Depuis la fermeture du seul foyer mère-enfant du centre jeunesse de Montréal, deux jeunes mères se seraient vu retirer leur bébé par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), faute de ressources pour les héberger ensemble, selon l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) - le syndicat qui représente les employés du centre jeunesse de Montréal.

Des allégations rejetées par le cabinet de la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, et le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, qui chapeaute désormais le centre jeunesse de Montréal.

« Dans deux cas, on a dû retirer l'enfant à la mère, car on n'avait nulle part où placer la mère avec son bébé », a révélé à La Presse le représentant syndical des employés du centre jeunesse de Montréal au sein de l'exécutif syndical de l'APTS, Simon Dubé.

Une membre de la famille d'une jeune mère vulnérable qui s'est fait retirer son enfant par la DPJ lundi dernier a aussi pris contact avec La Presse en plus d'écrire à la ministre Charlebois pour dénoncer la situation.

« Vous aviez parlé de restructurer... de ne laisser tomber aucune femme dans le besoin... Mais aucune place n'est disponible au moment où l'on se parle... Après avoir longuement discuté avec sa travailleuse sociale de la DPJ, la décision de lui retirer l'enfant et de le placer en foyer d'accueil a été prise. Je ne pensais pas que nous étions rendus là en tant que société... enlever un bébé naissant à sa mère par manque de ressources en services sociaux », a écrit à la ministre Charlebois cette femme qu'on ne peut nommer pour ne pas identifier l'enfant qui est sous la protection de la DPJ.

La Presse a révélé il y a un mois que le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal avait choisi de fermer le foyer Christophe-Colomb destiné aux jeunes mères vulnérables et à leurs bébés pour des raisons d'« optimisation financière ».

En moyenne, une trentaine de mères y étaient hébergées avec leur bébé chaque année pour des séjours d'une durée de 30 jours - au cours desquels leurs capacités parentales étaient évaluées par des travailleurs sociaux. Ces dernières années, le taux d'occupation était de 50 %. Certaines étaient des adolescentes elles-mêmes sous l'égide de la DPJ.

LA MINISTRE CHARLEBOIS QUESTIONNÉE

Au lendemain de la publication de notre reportage, lors de la période des questions à l'Assemblée nationale, Mme Charlebois avait été questionnée par les partis de l'opposition, qui ont unanimement réclamé que le foyer Christophe-Colomb reste ouvert.

Mme Charlebois avait dit à l'époque avoir parlé avec la direction du CIUSSS afin de s'assurer que les jeunes mères et leurs bébés continueraient d'avoir un service d'hébergement le temps que des ententes soient signées avec des ressources intermédiaires.

« Mais je vais aller plus loin et m'assurer que ces jeunes mères-là, souvent mineures, ont les services adéquats et l'ensemble des services nécessaires, pas juste un, avait-elle dit à l'Assemblée nationale. Je ne souhaite pas qu'on se retrouve avec de jeunes mères à la rue avec leur bébé. Je veux m'assurer qu'on n'échappe pas personne. »

Hier, questionné par La Presse à la suite des informations avancées par l'APTS et par la famille d'une jeune mère vulnérable, le cabinet de la ministre Charlebois a réitéré que le CIUSSS lui avait assuré que le foyer Christophe-Colomb était encore « fonctionnel ». Personne n'y réside, mais il peut être rouvert si des mères et leurs enfants en ont besoin, selon l'attachée de presse de la ministre, Bianca Boutin.

Après vérifications auprès du CIUSSS, le cabinet de la ministre Charlebois affirme qu'aucune mère n'a été séparée de son enfant faute de ressources.

Une mère ne remplissait pas tous les critères pour être hébergée au foyer Christophe-Colomb et une autre a finalement été dirigée vers une ressource intermédiaire avec son bébé, soutient Mme Boutin, du cabinet de la ministre Charlebois.

LA DIRECTRICE DU PROGRAMME DÉMENT

De son côté, la directrice du programme jeunesse du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, Lesley Hill, balaie d'un revers de main les allégations du syndicat, mais précise qu'elle ne peut pas commenter des cas particuliers en raison de la loi.

« La DPJ fait son travail de façon très rigoureuse et parfois, les gens ne répondent pas à tous les critères de service », a expliqué Mme Hill. Le CIUSSS a d'ailleurs « élargi » une entente existante avec une ressource intermédiaire offrant des logements supervisés à des jeunes de la DPJ pour que des mères puissent y être envoyées avec leur enfant, assure-t-elle.

Mme Hill précise que le foyer Christophe-Colomb avait comme mission d'évaluer les compétences parentales des jeunes mères vulnérables - service que le centre jeunesse de Montréal continue d'offrir malgré le fait que le service d'hébergement, lui, est fermé.

Aux yeux de l'APTS - le syndicat qui représente les employés du Centre jeunesse de Montréal -, ces jeunes mères vulnérables et leurs bébés « font les frais » de la « performance » exigée dans le cadre de la réforme du réseau de la santé connue sous le nom de « réforme Barrette ».