Se disant exaspérés par «la complaisance du gouvernement face à Uber», des chauffeurs de taxi montréalais ont piégé plusieurs chauffeurs UberX qui ont accepté d'être payés illégalement au comptant pour des courses faites au centre-ville.

En vertu du projet-pilote en vigueur depuis octobre dernier, seuls les taxis traditionnels peuvent prendre des clients qui les hèlent dans la rue. Les chauffeurs UberX doivent se contenter de courses «demandées exclusivement par application mobile» d'Uber, précise l'arrêté ministériel autorisant la multinationale à offrir ses services au Québec. Seules les transactions par carte de crédit sont par ailleurs permises avec cette application.

Or, avec un groupe de comparses, le chauffeur de taxi Hassan Kattoua dit avoir piégé 25 chauffeurs UberX qui ont accepté de faire des courses au comptant alors qu'ils étaient filmés à leur insu par un téléphone cellulaire. Des vidéos des événements ont été diffusées sur YouTube hier soir. «Les vidéos démontrent que le transport illégal, qui était limité auparavant à des sites comme Kijiji, est devenu une épidémie avec le projet-pilote d'Uber», soutient M. Kattoua, un chauffeur déjà connu pour son militantisme contre la multinationale californienne.

«C'est sûr que beaucoup de chauffeurs préfèrent être payés au comptant. Ça leur évite de devoir payer une redevance de 25% sur chaque course à Uber et de payer des taxes.»

La Presse s'est aussi prêtée à l'exercice hier, faisant deux courses payées comptant alors que l'application Uber des chauffeurs était fermée. Une des voitures a été localisée grâce à la carte interactive de l'application. Son chauffeur, après une brève négociation à travers la fenêtre, a accepté de nous emmener à l'aéroport de Montréal pour 30 $ comptant. La deuxième voiture a été localisée grâce à un autocollant «Uber» posé dans la lunette arrière de la voiture. Feignant un problème de carte de crédit, nous avons obtenu une course vers le centre-ville pour 25 $ comptant.

Des transactions «clairement interdites»

Aux yeux du ministre des Transports, de telles transactions sont «clairement interdites dans le cadre du projet-pilote». «On s'attend à ce qu'Uber mette en place les mécanismes disciplinaires requis afin de stopper cette pratique», a déclaré Mathieu Gaudreault, porte-parole du ministre Laurent Lessard.

Uber affirme, de son côté, que les cas sont «rares», mais pris «très au sérieux». «Évidemment, Uber ne peut collecter de frais de service sur ce type de courses, donc n'en tire aucun avantage et s'assure d'exercer un contrôle serré», a indiqué le porte-parole Jean-Christophe de Le Rue. L'entreprise précise avoir développé «plusieurs outils technologiques qui [lui] permettent d'exercer un contrôle serré de ce type de comportement».

«Nous agissons dès qu'un cas est découvert ou nous est rapporté. Il s'agit évidemment d'une infime minorité des partenaires-chauffeurs.»

Un des deux chauffeurs UberX qui ont accepté l'argent comptant hier a assuré que les clients demandent très rarement de payer en liquide. «J'ai accepté de le faire parce que vous disiez que votre carte de crédit ne fonctionnait pas. J'ai voulu rendre service», a-t-il dit.

La mise en ligne des vidéos filmées par M. Kattoua coïncide avec une vague de manifestations organisées à partir de cette semaine par les chauffeurs de taxis traditionnels. «Le gouvernement est au courant qu'Uber ne respecte pas le projet-pilote mais ne fait rien. C'est comme ça depuis le début, et ça a créé une situation catastrophique pour l'industrie du taxi , affirme Wilson Jean-Paul, porte-parole du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos.

Alors que l'entrée en vigueur du projet-pilote d'Uber approche de son premier anniversaire, les chauffeurs de taxi réclament du gouvernement une compensation financière de Québec pour la perte de valeur de leurs permis. Selon M. Jean-Paul, jusqu'à 1700 permis de taxi devraient être retirés de la circulation à Montréal pour que les chauffeurs retrouvent le niveau de revenus qu'ils avaient avant l'arrivée d'Uber.