Montréal est en «crise anticipée» face au problème de surdoses de fentanyl, selon le maire Denis Coderre, qui souhaite «ratisser plus large» en fournissant à plus d'intervenants la naloxone, ce médicament utilisé pour renverser les effets d'une surdose.

«On n'est pas dans une crise. Mais elle viendra. Donc si on l'anticipe, on est aussi bien de travailler dans certains dossiers», a déclaré le maire de Montréal en conférence de presse, mardi après-midi.

Le maire venait de rencontrer les représentants de la police, des pompiers, et de la santé publique, qui lui ont dressé un portrait de la situation et qui l'ont en quelque sorte «rassuré», a-t-il dit.

En août seulement, 12 décès pourraient être liés à une surdose de fentanyl et 24 vies ont été sauvées à l'aide de la naloxone. Le fentanyl est un opioïde qui est 40 fois plus puissant que l'héroïne et dont la toxicité dépasse par 100 fois celle de la morphine. Souvent, les utilisateurs ne sont même pas au courant qu'ils consomment du fentanyl, qui est mélangé avec d'autres drogues.

Le directeur de la santé publique de Montréal, Richard Massé, a souligné que la situation était pour l'instant moins grave qu'à Toronto ou à Vancouver, où au mois de juin il y avait eu respectivement environ 25 et 50 décès. Mais les intervenants ont tout de même noté une augmentation du fentanyl sur le territoire montréalais.

«Alors qu'il y avait présence de fentanyl de façon sporadique ou occasionnelle antérieurement, maintenant on a du fentanyl beaucoup plus régulièrement dans les analyses qu'on a faites», a déclaré le docteur Massé.

M. Coderre estime que la Ville «doit faire face à la musique» et accélérer le processus pour élargir la formation sur les surdoses et l'utilisation de la naloxone.

Il invite donc le gouvernement du Québec à adopter un règlement pour lui permettre de donner l'accès au médicament aux pompiers, par exemple, qui sont souvent les premiers répondants. Il pourrait y avoir des projets-pilotes dans certains quartiers de Montréal, a-t-il suggéré.

Selon le maire, environ une vingtaine d'organismes communautaires, dont les sites d'injection supervisée, peuvent administrer la naloxone.

«Mon souhait, c'est de s'assurer qu'on puisse donner tous ces outils, mais on peut le faire par étape, c'est pour ça qu'un projet-pilote serait intéressant», a-t-il affirmé.

Le chef du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), Philippe Pichet, semblait pour sa part plus réservé sur le projet-pilote prôné par le maire, affirmant vouloir se concentrer sur les vendeurs et distributeurs de cette substance.

«Bien sûr que si nous sommes en patrouille dans les différents quartiers et que nous voyons quelqu'un qui a besoin d'aide, nous aiderons. Mais en même temps, les premiers répondants et Urgence-Santé répondent très rapidement aussi», a-t-il soutenu alors qu'il répondait à une question en anglais.

En ce moment, les policiers de Montréal ne sont pas autorisés à administrer la naloxone, a précisé Christine Christie, des Services partagées des enquêtes, division Est au SPVM.

«C'est sûr que le service de police, on reste toujours ouvert d'esprit. Si jamais il y avait des changements dans le règlement, on pourrait regarder les différentes options qui s'offrent à nous et regarder ce qui pourrait être fait», a-t-elle expliqué en entrevue téléphonique.