La Ville de Montréal a investi près de 9 millions dans la sécurité de son hôtel de ville depuis cinq ans, selon des documents obtenus par La Presse. Les mesures ont été considérablement resserrées depuis les attentats d'Ottawa et de Saint-Jean-sur-Richelieu, et une manifestation des pompiers en août 2014.

Le vérificateur général de Montréal avait soulevé en 2012 d'importantes inquiétudes sur la sécurité de l'hôtel de ville après avoir réalisé une série de tests d'intrusion. Dans un rapport confidentiel remis à la Ville à l'époque, celui-ci avait relevé de nombreuses lacunes.

L'édifice où siègent les élus ne disposait d'aucun système de vidéosurveillance pour filmer l'extérieur du bâtiment et le nombre de caméras à l'intérieur avait été jugé insuffisant. Les tests avaient souligné le manque de protection des accès aux aires de travail des élus, dont le bureau du maire. D'importants secteurs n'étaient même pas protégés par des cartes d'accès, dont la salle de réunion du comité exécutif, où se réunissent chaque semaine les membres de l'administration. Enfin, on avait constaté que plusieurs portes et fenêtres n'étaient pas munies d'alarmes anti-intrusion.

À la suite de ce rapport, la Ville de Montréal a entrepris de resserrer la sécurité de son hôtel de ville, mais plusieurs événements survenus depuis l'ont également poussé à accélérer la cadence.

En août 2014, une manifestation de pompiers avait dégénéré, des syndiqués assiégeant le bureau du maire. Puis en octobre de la même année, deux attentats terroristes ont secoué le Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa.

Augmentation des effectifs

Un plan d'optimisation de la sécurité de l'hôtel de ville a alors été concocté avec l'aide du Service de police de la Ville de Montréal. Depuis, la métropole a accordé trois contrats pour un total d'un peu plus de 3 millions afin d'installer des dizaines de caméras, d'aménager de nombreuses portes pour limiter les intrusions et d'ajouter des alarmes.

La Ville a aussi augmenté ses effectifs assurant la sécurité du bâtiment, révèle un document obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. La facture en gardiennage est ainsi passée de 650 000 $ en 2012 à 1,2 million en 2016. Tout indique que la facture risque d'être plus importante encore en 2017 alors que Montréal évaluait avoir déjà dépensé 814 000 $ au 21 juillet.

La présence des citoyens a aussi été limitée lors des rencontres publiques des élus. Les gens qui souhaitent assister à la rencontre doivent désormais s'inscrire dans un immeuble voisin avant d'avoir accès à l'hôtel de ville.

Alors que Montréal doit entreprendre d'ici peu une importante cure de rajeunissement de tout l'intérieur de l'hôtel de ville, la métropole assure qu'il n'est pas question d'interdire complètement l'accès au bâtiment à l'issue du chantier. Un porte-parole de la Ville, Jacques-Alain Lavallée, indique que ces travaux «ne changeront nullement la vocation de l'hôtel de ville, soit d'être le siège du gouvernement municipal et d'être ouvert à tous les Montréalaises et Montréalais».

Un lieu à risque?

Bien que les hôtels de ville n'aient pas été ciblés par des attaques terroristes, une professeure en gestion municipale de l'UQAM, Danielle Pilette, estime que celui de Montréal est tout de même à risque. «Il pourrait être ciblé, pas en tant que symbole, mais parce que c'est un immeuble accessible et très fréquenté dans un endroit touristique».

Montréal organise en effet fréquemment des expositions dans le hall d'entrée de son hôtel de ville, comme sur le 50e anniversaire d'Expo 67 ou l'histoire du baseball dans la métropole. «On veut projeter une image d'accessibilité, mais en même temps, la présence de nombreuses personnes impose une gestion de la sécurité», dit Danielle Pilette.

Avant le resserrement des mesures depuis 2012, cette spécialiste des affaires municipales dit d'ailleurs avoir été souvent frappée par la faiblesse de la sécurité de l'hôtel de ville de Montréal par rapport à d'autres, comme celui de Québec. 

Pour améliorer davantage encore la sécurité dans les édifices municipaux, Danielle Pilette estime que Montréal devrait envisager de rassembler les points de service aux citoyens sous un seul toit. «Est-ce qu'il y aurait moyen que différents services soient offerts dans un même immeuble?»

- Avec William Leclerc

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

En 2014, une manifestation des pompiers avait dégénérée à l'hôtel de ville.