Une entreprise qui aide les voyageurs à être indemnisés en cas de retard de vol, leur permettant de toucher jusqu'à 1700 $ de la part des compagnies d'aviation, a vu ses publicités retirées par Aéroports de Montréal (ADM).

La firme volenretard.ca dénonce une manoeuvre inacceptable de la part du gestionnaire de l'aéroport pour empêcher les passagers d'être informés des compensations financières prévues par les lois internationales. ADM soutient de son côté que les messages ne correspondent pas à ses critères éthiques concernant la publicité.

Selon Bell Média, gestionnaire des campagnes d'affichage à l'aéroport, ce sont les plaintes des transporteurs aériens qui ont incité ADM à prendre cette décision, vendredi dernier. «La polémique que crée la campagne auprès des lignes aériennes amène l'aéroport à cette décision», a écrit par courriel la conseillère publicitaire au président de volenretard.ca, Jacob Charbonneau.

ADM affirme cependant qu'aucun transporteur ne s'est plaint.

«On n'a eu aucune pression de la part de nos partenaires, Mais comme ça risque de nuire aux compagnies aériennes, qui sont nos clientes, ça nous met dans une position inconfortable, et nous croyons que l'aérogare n'est pas l'endroit où diffuser ce genre de publicité», dit Stéphanie Lepage, porte-parole d'ADM.

«C'est vraiment dommage que l'on veuille cacher aux voyageurs les compensations qu'ils peuvent recevoir selon la loi, alors que très peu de passagers sont au courant, ou qu'ils trouvent trop compliqué de faire une réclamation à la compagnie aérienne», rétorque Jacob Charbonneau.

Jusqu'à 1700 $

Les publicités pour le service sont apparues pendant cinq jours, la semaine dernière, sur les écrans numériques de carrousels à bagages, dans la section des arrivées de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. «Obtenez jusqu'à 1800 $ par passager», disait le message, au-dessus d'icônes représentant les retards, la surréservation et l'annulation.

Cette somme fait référence aux 1300 $US (l'équivalent en fait de 1716 $CAN et non 1800 $CAN) que peuvent recevoir les voyageurs si, pour cause de surréservation, ils ne peuvent prendre leur vol au départ des États-Unis ou avec un transporteur américain, et qu'ils arrivent à destination avec plus de quatre heures de retard. La compensation est prévue dans les règlements du département des Transports des États-Unis.

Les lois européennes prévoient quant à elles des indemnités en cas de retard de vol qui peuvent atteindre 600 euros (884 $).

Comme très peu de consommateurs connaissent ces lois et les façons d'être indemnisés, volenretard.ca offre depuis l'année dernière de faire les réclamations au nom des voyageurs touchés, moyennant une commission de 25%.

«L'aéroport est évidemment le meilleur endroit pour annoncer nos services. On annonce nos services tout en informant les voyageurs de leurs droits», affirme Jacob Charbonneau

ADM se défend en disant qu'elle a déjà diffusé des messages pour informer les voyageurs de leurs droits. La publicité disait : «Un billet d'avion est un contrat valide. Assurez-vous de comprendre les conditions de transport avant de payer», avant de diriger les consommateurs vers le site de l'Office des transports du Canada (OTC).

Nulle part sur le site on ne mentionne les compensations auxquelles les passagers peuvent avoir droit, ordonnées par l'Office à la suite de plaintes contre des compagnies canadiennes, ou alors en vertu des lois européennes ou américaines. On dirige les voyageurs vers les sites des transporteurs aériens, où les informations sur leurs obligations sont généralement difficiles à débusquer.

Les compagnies d'aviation sont réticentes à informer leur clientèle parce que les réclamations peuvent leur coûter des milliers de dollars.

L'année dernière, après que deux pilotes d'Air Transat ont été empêchés de prendre les commandes de leur appareil au départ de l'Écosse pour cause d'ébriété, ce qui a entraîné l'annulation d'un vol, La Presse avait publié un reportage sur les compensations prévues par les lois européennes. Des dizaines de lecteurs nous ont écrit après avoir réclamé et reçu leur compensation de 884 $ de la part du transporteur aérien, grâce aux informations diffusées dans notre reportage.

Charte des voyageurs

Cette polémique survient au moment où le Canada se prépare à se doter d'une charte des droits des passagers, annoncée le mois dernier par le ministre des Transports Marc Garneau. Le gouvernement a l'intention d'imposer des normes claires aux transporteurs aériens quant aux indemnités offertes dans diverses circonstances.

Actuellement, au Canada, chaque transporteur est libre de déterminer la compensation qu'il verse aux passagers retardés. Mais l'OTC peut intervenir à la suite d'une plainte contre une compagnie pour exiger une hausse des sommes offertes.

Par exemple, en 2013, Air Canada a été forcée d'augmenter les indemnités versées en cas de survente jusqu'à 800 $. Mais cette décision ne s'applique qu'à la compagnie visée par la plainte, et non à l'ensemble des transporteurs.

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LES COMPENSATIONS

Pour un vol qui décolle d'Europe ou avec une compagnie aérienne européenne 

Si on lui refuse l'accès à bord, si son vol est annulé ou s'il arrive avec plus de trois heures de retard à la destination finale indiquée sur votre billet, un passager a droit à une indemnité de 250 à 600 euros, selon la distance du vol.

À L'INTÉRIEUR DE L'EUROPE  

- Jusqu'à 1500 km : 250 euros

- Plus de 1500 km : 400 euros

ENTRE L'EUROPE ET UN AUTRE CONTINENT 

- Jusqu'à 1500 km : 250 euros

- De 1500 à 3500 km : 400 euros

- Plus de 3500 km : 600 euros

Pour un vol qui décolle des états-unis ou avec une compagnie américaine

Un passager qui ne peut prendre son vol en raison de surréservation a droit à une indemnisation : 

- de 200% du prix du billet «aller» (maximum de 650 $US), si le vol de remplacement occasionne moins de deux heures de retard (moins de quatre heures pour les vols internationaux) ;

- de 400% du prix du billet «aller» (maximum de 1300 $US) si le vol de remplacement occasionne plus de deux heures de retard (quatre heures pour les vols internationaux).

Ces obligations s'appliquent aussi aux transporteurs aériens canadiens lorsqu'ils décollent de l'Europe ou des États-Unis.