La «déconstruction» du pont Champlain actuel pourrait prendre entre trois et quatre ans et coûter jusqu'à 400 millions, selon des estimations préliminaires rendues publiques hier par la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Inc. (PJCCI), qui gère les infrastructures fédérales de transport de la région métropolitaine.

Cet immense chantier, qui permettrait de revaloriser une partie des 253 000 tonnes de béton, 17 000 tonnes d'acier et 12 000 tonnes d'asphalte du pont, devrait se mettre en branle dès 2019 s'il obtient le feu vert du gouvernement fédéral. Le directeur principal des projets du pont Champlain à PJCCI, l'ingénieur François Demers, a indiqué que la méthode de « déconstruction » choisie, au terme des études préliminaires, n'était pas optimale sur le plan environnemental et que des mesures additionnelles devraient être élaborées avant sa mise en oeuvre. Le coût de cette énorme opération pourrait donc encore changer avant le lancement des travaux.

L'opération nécessiterait le démantèlement du pont, poutre par poutre, le sciage de chaque section de tablier, le transport des matériaux hors du site par camion et par bateau, et l'explosion contrôlée de chaque semelle de pilier enfouie dans le lit du fleuve.

Assurer la sécurité du pont Champlain actuel

Dans l'intervalle, toutefois, PJCCI prévoit investir cette année quelque 286 millions dans l'entretien de ses infrastructures, dont 124 millions pour assurer la sécurité du pont Champlain actuel. Ce pont, inauguré en 1962, est en fin de vie utile et doit être mis hors service dès la fin des travaux de construction du nouveau pont Champlain, prévue en décembre 2018.

Les sommes prévues pour la préservation du pont actuel représentent plus de 43% des sommes budgétées par PJCCI pour l'ensemble des infrastructures sous sa responsabilité. La sécurisation des 100 poutres les plus vulnérables du pont, situées de part et d'autre de la structure, a été terminée le mois dernier. La société fédérale concentrera ses efforts sur le remplacement de joints de dilatation et la réfection de piles et de la dalle de béton. Selon le dirigeant principal de PJCCI, l'ingénieur Glen Carlin, des travaux de renforcement seront aussi réalisés sur certaines poutres «intérieures» du pont Champlain, qui ont montré des signes de faiblesse depuis quelques années.

La grande majorité de ces travaux ne nécessitera pas la fermeture du pont. PJCCI a prévu deux blitz de travaux majeurs lors des deux derniers week-ends du mois de mai, mais aucune fermeture pour l'automne, contrairement aux dernières années.

Le pont Jacques-Cartier illuminé et en réparation

Des travaux majeurs seront réalisés sur la structure d'acier du pont Jacques-Cartier, des deux côtés du Saint-Laurent, à partir du mois prochain. Le renforcement de membrures d'acier et le remplacement de nombreuses plaques de renfort font partie des travaux prévus, auxquels seront consacrés un total de 56 millions en 2017. Amorcé l'an dernier, ce vaste programme de réparation d'acier, qui s'étirera jusqu'en 2027, a créé «quelques difficultés» dans le voisinage immédiat du pont, où les résidants se sont plaints du bruit, a admis hier la directrice principale des projets de construction à PJCCI, Catherine Tremblay.

Les travaux se dérouleront au printemps entre le boulevard De Maisonneuve et l'entrée du pont, et plus tard, soit l'été prochain, entre les rues Érié et Tansley, directement sous le pont. Un comité de bon voisinage et des stations de mesure du bruit ont été mis en place pour améliorer le contrôle des travaux et les communications avec les résidants.

Sur la Rive-Sud, les travaux permettront surtout la stabilisation du talus à l'approche sud du pont et la réfection de deux ponts d'étagement sur des voies d'accès à la structure.

En cette année du 375e anniversaire de Montréal et du 150e anniversaire du Canada, ce sont toutefois les travaux de mise en lumière de ce pont emblématique de Montréal qui risquent d'attirer le plus l'attention. Le projet de 39,5 millions est achevé à 95%, selon la société fédérale, et l'illumination de l'ouvrage est prévue à la date anniversaire du 17 mai.

La société PJCCI consacrera aussi une portion importante de son budget d'entretien à la réfection de l'estacade du pont Champlain, où l'on prévoit investir 56 millions. Cette somme servira, notamment, à renforcer les semelles des piles de cette structure, construite à l'origine pour contrôler le mouvement des glaces, au printemps, sur le Saint-Laurent. Une partie des sommes budgétées permettra d'achever l'aménagement d'une aire de repos pour les piétons et cyclistes aux approches de la structure, dans l'île des Soeurs.

Traitement et confinement des contaminants

L'autoroute Bonaventure, qui est une infrastructure fédérale, du pont Champlain au canal de Lachine, a été construite dans les années 60 sur un ancien dépotoir qui a accueilli des déchets domestiques et industriels pendant plus d'un siècle. Depuis de nombreuses années, des effluves provenant de la décomposition de ces déchets, des hydrocarbures et des métaux lourds percolent de l'ancienne décharge jusque dans les eaux du fleuve. PJCCI, responsable de ces terrains, a mis en place des infrastructures pour confiner ces polluants et traiter sur place ceux qui peuvent l'être. Une petite usine a été construite près du pont Champlain pour intercepter l'azote ammoniacal, des hydrocarbures aromatiques (HAP) et des métaux dissous à l'aide de 32 puits de pompage, puis traiter ces eaux souterraines avant de les rendre au fleuve. Le système est en rodage et sera en exploitation dès l'été prochain.

Plus loin, entre les ponts Clément et Victoria, un mur de confinement permettra de récupérer des hydrocarbures et des BPC qui seront traités hors site à compter de l'automne prochain. Les travaux de construction de ce mur sont terminés à 32%.

L'implantation de ces systèmes, auxquels PJCCI consacrera 14 millions en 2017, entraîne la perte d'une voie de circulation en permanence sur l'autoroute Bonaventure en direction du centre-ville. À la fin des travaux, cette voie de circulation sera réservée aux transports collectifs.