L'arrondissement de Saint-Laurent s'apprête à changer son zonage pour autoriser l'ajout potentiel sur son territoire d'une trentaine de nouveaux lieux de culte, qui auront cependant une superficie limitée et qui devront s'établir au deuxième étage ou au sous-sol d'édifices commerciaux.

«À ma connaissance, nous sommes les premiers à prendre une approche globale sur ces questions, dans un esprit d'acceptabilité sociale et de planification urbaine», a expliqué en entrevue Alan DeSousa, maire de l'arrondissement.

M. DeSousa précise que sa population a explosé de quelque 30% depuis 15 ans. Or, «environ 80% de nos 103 000 citoyens sont nés à l'extérieur du pays. Avec cette augmentation de population viennent nécessairement de nouvelles demandes de gens désireux d'avoir un endroit où pratiquer leur religion, un droit garanti par la Charte des droits et libertés».

L'arrondissement est certes conscient que c'est là un dossier sensible, des demandes ponctuelles dans d'autres arrondissements - à Outremont, Ahuntsic ou Saint-Léonard - ayant donné lieu à de vives contestations et mis certaines communautés sur la sellette.

Pour éviter cela, Saint-Laurent dit avoir préféré prendre un certain recul depuis deux ans, histoire de gérer les demandes de façon ordonnée et de réfléchir aux zones où les lieux de culte devraient être permis. (Il y a eu 30 demandes depuis 2011 émanant de plusieurs confessions différentes.)

«Alors que d'autres villes ont privilégié la construction de lieux de culte dans des zones industrielles, ici, nous avons préféré cibler des zones commerciales, accessibles en transports en commun ou à partir de grands axes routiers», affirme Éric Paquet, directeur de l'aménagement urbain et du service aux entreprises.

L'arrondissement veut ainsi préserver l'intégrité de ses secteurs industriels et éviter que les lieux de culte se retrouvent dans des no man's land.

Des citoyens inquiets

Les changements, que l'arrondissement souhaite officialiser en mai, faisaient l'objet hier d'une consultation publique. Si le projet est encore peu connu, la poignée de citoyens présents hier étaient très inquiets, parce que certains des secteurs où seront autorisés des lieux de culte jouxtent des quartiers résidentiels.

«Ma petite rue, c'est rendu un boulevard. Pourquoi ouvrir la porte en plus à deux nouveaux lieux de culte? Dans certaines religions, il y a plusieurs prières par jour, et le va-et-vient sera incessant», s'inquiète Christian Deschênes, dont la résidence est située dans un secteur où seraient autorisés deux nouveaux lieux de culte.

«Déjà, à l'heure actuelle, j'ai du mal à sortir en voiture de mon petit quadrilatère. Je ne comprends pas que vous vouliez ajouter des lieux de culte dans un secteur où nos rues sont déjà pleines et où il n'y a pas de stationnement», affirme une résidante, Francine Corbeil.

D'autres citoyens ont fait valoir que l'idée de construire des lieux de culte près de stations de métro ou de train est bonne sur papier, mais que dans les faits, les fidèles des différentes religions se déplacent nettement plus en voiture.

En réponse aux inquiétudes formulées, les autorités de l'arrondissement ont expliqué que le projet cherche à respecter les besoins religieux des citoyens, tout en limitant la concentration et la grosseur des lieux de culte à venir.

D'où l'idée de ne permettre l'implantation des lieux de culte qu'au deuxième étage ou au sous-sol d'édifices commerciaux, d'en limiter la superficie à 650 mètres carrés, avec l'obligation d'offrir du stationnement à l'intérieur de cette superficie.

Ces précautions, dit M. DeSousa, visent notamment à éviter la construction d'un lieu de culte métropolitain ou régional où convergeraient massivement des fidèles des quatre coins de la ville, et même au-delà.

L'arrondissement cherche aussi à éviter que poussent ici et là des lieux de culte illégaux, comme cela est arrivé en 2015, quand un avis d'expulsion a dû être envoyé à une mosquée illégale qui accueillait un millier de fidèles dans un secteur où le zonage ne l'autorisait pas.

Le remue-ménage dans le zonage à Saint-Laurent a aussi été l'occasion pour l'arrondissement d'officialiser le zonage de certaines écoles (des écoles privées, surtout) qui, sans cette précaution, auraient pu être vendues et transformées en lieu de culte alors que le nombre d'élèves dans les écoles du secteur explose et qu'elles sont toutes plus que nécessaires.