La suspension du règlement sur les chiens de type pitbull est prolongée, a tranché le juge de la Cour supérieure Louis J. Gouin, mercredi après-midi.

Ce sursis sera en vigueur jusqu'à ce que l'affaire soit entendue au fond, et qu'une décision finale soit rendue. Dans sa décision, le juge laisse entendre que le règlement doit être précisé sur certains aspects et que la Ville doit s'assurer qu'il n'est pas inconciliable avec la Loi sur le bien-être et la sécurité de l'animal. 

Cette loi adoptée en 2015 stipule que les animaux ne sont pas des biens, qui sont doués de sensibilité et ont des impératifs biologiques. Il est défendu de faire en sorte qu'un animal soit en détresse et des obligations en ce sens sont imposées, signale le juge.

D'un autre côté, l'article 63 de la Loi sur les compétences municipales permet à une municipalité de mettre en fourrière, vendre ou éliminer tout animal «errant ou dangereux.»

Or, le juge évalue que par ses définitions des mots «chiens de type pitbull» et «chien interdit» prévus dans le règlement, la Ville vise clairement une catégorie très large de chiens qui, pour la plupart, ne sont pas dangereux, «selon le véritable sens de ce terme».

La Ville a choisi d'interdire ou presque cette catégorie de chiens, en imposant des conditions contraignantes et l'élimination par euthanasie dans certaines situations, constate le juge. 

De plus, le magistrat signale le flou qui entoure l'expression «chien de croisement» alors qu'on ne définit pas le niveau du croisement. Plusieurs propriétaires de chiens doivent se demander si leur animal entre dans la catégorie.

Le juge estime que la SPCA a soulevé des critères sérieux, et démontré l'urgence d'agir, si bien qu'il prolonge le sursis. 

«Tout aussi louable que puisse être l'objectif de la Ville en matière de prévention et sécurité, le Tribunal a eu la nette impression que certains articles du Règlement avaient été rédigés à la hâte, en réaction à un récent événement malheureux, et que cet empressement avait fait perdre de vue un autre objectif, tout aussi louable, global, soit la sécurité de tous, face à tout chien, et ce peu importe sa race ou sa catégorie.»

Le parti d'opposition Projet Montréal s'est réjoui de la décision du juge Gouin. «Ça démontre à quel point nous avons raison depuis le début du débat. C'est un règlement écrit sur le coin d'une table. Comme le juge l'a dit, le règlement doit être écrit avec des experts, à partir d'études scientifiques», a affirmé à La Presse l'élu Sterling Downey, porte-parole en matière de gestion animalière de Projet Montréal.

Selon le conseiller de ville de l'arrondissement de Verdun, le règlement «improvisé» par l'administration Coderre n'avait pas lieu d'être, puisque le «règlement actuel a des provisions assez béton pour prévenir les chiens dangereux». Sterling Downey estime «très préoccupant» que les tribunaux aient infligé un quatrième camouflet de suite à des projets du maire Coderre, notamment pour le règlement P6 et pour la fermeture des bars au petit matin.