Le règlement sur les chiens de type pitbull qui est entré en vigueur aujourd'hui à Montréal, est tellement discriminatoire, vague et imprécis, qu'il est en réalité inapplicable.

C'est, en résumé, ce que les avocates de la SPCA ont fait valoir ce matin, en demandant à la Cour supérieure de suspendre l'application du règlement d'ici à ce qu'un débat sur le fond ait eu lieu. Le juge Louis J. Gouin, a lui-même admis qu'il s'était posé des questions après avoir lu le règlement. «Le libellé de certaines dispositions surprend», a-t-il dit, en faisant allusion notamment au fait que ce type de chien devait dorénavant être muselé en «tout temps». Bien sûr, le bon sens entre en ligne de compte. Un chien ne peut manger et boire muselé. Mais le juge a fait valoir qu'un règlement ne peut être basé sur le «bon sens», dont l'interprétation peut être différente d'une personne à l'autre. L'avocat qui représente la Ville, Me René Cadieux, a signalé que le chien n'avait pas besoin de muselière quand il était dans une bâtisse.

Le juge s'est par ailleurs interrogé sur les croisements de races. Est-ce qu'un chien dont seul l'arrière grand-père est de type pitbull entre dans la catégorie? Comment le déterminer? «Peu importe le résultat de cette audition, il y a place à l'amélioration», a-t-il lancé.

La SPCA affirme que le règlement a été adopté dans la précipitation. L'élément déclencheur a été la mort tragique de Christiane Vadnais, le 8 juin dernier. La résidente de Pointe-aux-Trembles a été attaquée et tuée dans sa propre cour par le chien d'un voisin. Or, quatre mois après, on ne sait toujours pas si le chien était véritablement de type pitbull. Les résultats d'analyse ADN ne sont pas encore connus, ce qui est inhabituellement long, selon Me Marie-Claude Saint-Amant. Elle a rappelé que le chien avait été enregistré comme un boxer, une race qui ne fait pas partie du nouveau règlement.

Au cours des 30 dernières années, six personnes sont mortes suite à une attaque de chien. Or un seul pitbull était impliqué, et c'est celui qui a causé la mort de Mme Vadnais, a-t-elle expliqué. 

Selon Me Saint-Amant, les propriétaires de chiens peineront à s'y retrouver avec le nouveau règlement, et la Cour supérieure risque d'être saisie de plusieurs litiges. Mais tous n'auront pas les moyens d'aller à la Cour, et devront se départir de leur chien. La vocation de la SPCA est de mettre les animaux en adoption, ce n'est pas un «sanctuaire». Or, le règlement interdit de donner un chien de ce type. Les chiens de ce type qui ont un bon comportement n'auront d'autre avenir que celui d'être euthanasiés.

Me Cadieux fera valoir son point de vue cet après-midi. Il a cependant signalé ce matin que la Ville était capable de faire appliquer son règlement, et qu'il ne s'agissait pas d'une «euthanasie de masse à partir de minuit.»

«Si vous suspendez le règlement, le message c'est qu'on va attendre qu'il (le chien) morde.»