Montréal a accepté de revoir sa façon de réaliser les travaux dans les artères commerciales pour calmer les craintes de commerçants du Sud-Ouest qui veulent éviter de voir les locaux vacants se multiplier comme dans la rue Saint-Denis. Un chantier de 10,5 millions pour refaire la rue Notre-Dame Ouest sur 500 mètres sera fait tronçon par tronçon plutôt que d'un seul bloc pour réduire l'impact de la présence des cônes orange.

DES ÉGOUTS DE 1888

Dire que les infrastructures sous la rue Notre-Dame Ouest, dans l'arrondissement du Sud-Ouest, sont vieilles relève de l'euphémisme. Une partie des égouts a été aménagée en 1888, à l'époque où Montréal était dirigé par John Caldwell Abbott, quelques années avant que celui-ci ne devienne le troisième premier ministre du Canada. Devant les risques d'effondrement de la chaussée, la métropole a ainsi entrepris de refaire de fond en comble la portion commerciale de l'artère, entre les rues Atwater et Saint-Augustin, un chantier de 10,5 millions. L'annonce de ces travaux a toutefois grandement inquiété les 260 commerçants du secteur. « Quand on voit ce qui se passe sur la rue Saint-Denis, où le taux d'inoccupation augmente, ça crée une inquiétude ici », reconnaît Lynda Brault, directrice générale de la Société de développement commercial du Quartier du canal.

PAR TRONÇON PLUTÔT QU'EN BLOC

L'organisation qui représente les commerçants du Sud-Ouest a ainsi demandé que les travaux se déroulent en petites sections, plutôt que de voir les cônes orange envahir d'un seul coup les 500 mètres de rue à refaire. « Un des désagréments vécus sur Saint-Denis, c'est que si on était d'un côté de la rue et on voyait une boutique ou un restaurant de l'autre côté, le chantier était tellement long que les gens abdiquaient et passaient leur chemin », explique Mme Brault. La proposition a été retenue, Montréal reconnaissant le mérite d'une telle approche. « On n'aura pas une rue complètement bloquée. Les travaux vont se réaliser par tronçon. Ça va réduire les impacts sur les portions où on ne travaille pas encore », précise Lionel Perez, élu responsable des infrastructures.

CADENCE RALENTIE

Cette façon de faire ralentira quelque peu la cadence des travaux, mais le jeu en vaut la chandelle, selon Lionel Perez. Les travaux, qui s'étendront jusqu'à la fin de 2017, doivent débuter d'ici une dizaine de jours. Le chantier commencera par le tronçon situé à l'intersection de Notre-Dame et Atwater. Il progressera ensuite graduellement pour se rendre jusqu'à Saint-Augustin. Des cônes demeureront visibles en 2018, puisque la rue Rose-de-Lima, perpendiculaire à Notre-Dame, sera alors à son tour réparée. Cette planification par étapes plaît au maire du Sud-Ouest, qui croit que les désagréments s'en trouveront réduits. « La Ville apprend de ses erreurs, de ses expériences. On ne veut pas que les gens se disent : "C'est en travaux, alors je n'y vais pas" », dit Benoit Dorais.

PAS LA FAUTE AUX TRAVAUX

Lionel Perez tient toutefois à préciser que les fermetures de commerces dans la rue Saint-Denis ne sont pas nécessairement liées aux travaux en cours. « Les locaux étaient vacants avant le chantier. Il y a un enjeu commercial plus général qui touche l'ensemble du commerce de détail. C'est trop simpliste, réducteur, de dire que c'est à cause des travaux », dit l'élu.

RUE REPENSÉE

Montréal profite de ces travaux pour revoir la configuration de la rue Notre-Dame Ouest, principalement afin d'améliorer le confort pour les piétons. D'abord, les trottoirs seront élargis. Les intersections seront quant à elles surélevées, ce qui forcera les véhicules à ralentir considérablement avant de s'engager. « Ça lance un message très clair. C'est visuel, mais aussi physique. Les véhicules qui arrivent à chaque intersection devront monter, la traverser, puis redescendre, illustre Benoit Dorais. La rue va être plus sécuritaire, plus accueillante, plus conviviale. » Reste à voir si le nouvel aménagement provoquera beaucoup de bruit lorsque les camions, nombreux dans le secteur en raison des travaux sur l'échangeur Turcot, traverseront les intersections surélevées.

SÉCURITÉ DES CYCLISTES AMÉLIORÉE

Le nouvel aménagement vise aussi à améliorer la sécurité des cyclistes. Pour ce faire, le parc du Bonheur-d'Occasion sera élargi. Celui-ci empiétera sur la rue Rose-de-Lima, qui perdra au passage une voie et deviendra à sens unique. « Ça va couper le trafic du camionnage lourd. Ça va être beaucoup plus sécuritaire pour les piétons, mais aussi les vélos », affirme Benoit Dorais. Une nouvelle piste cyclable sera aménagée. Le chantier prévoit également l'ajout de supports à vélos. Ceux-ci ne seront pas retirés durant l'hiver, mais demeureront en place 12 mois par année afin d'encourager l'utilisation du vélo toute l'année.

REDONNER SON LUSTRE À LA « DAME »

Malgré les craintes suscitées par l'ampleur des travaux, l'association des commerçants se dit très satisfaite du concept retenu pour la réfection de l'avenue Notre-Dame Ouest. « Il faut faire en sorte que la rue soit agréable à marcher. Ce n'est pas une artère très conviviale, invitante. Ils vont lui redonner le prestige qu'elle a déjà eu, [avant de devenir] une artère de transit », dit Lynda Brault.

PLUSIEURS ARTÈRES COMMERCIALES À REFAIRE

Le cas de la rue Notre-Dame, où un long chantier suscite d'importantes craintes, est loin d'être unique. De nombreuses artères commerciales doivent être refaites, leurs infrastructures ayant atteint leur fin de vie. Les rues Saint-Denis (Plateau) et Saint-Paul (Vieux-Montréal) sont actuellement en chantier. Des travaux doivent avoir lieu sur l'avenue Laurier (Plateau) en 2017, puis dans la rue Saint-Hubert en 2018. La rue Sainte-Catherine (Ville-Marie) aussi sera en chantier sous peu. Montréal a entrepris de revoir ses façons de faire, notamment en consultant davantage les commerçants, à la suite des longs travaux sur le boulevard Saint-Laurent qui ont durement touché les commerces du secteur.