Des milliers de voyageurs ont dû patienter pendant deux heures, voire davantage, mardi après-midi, pour franchir la douane internationale de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, submergée de vacanciers et d'étudiants étrangers depuis trois semaines. Le «manque chronique» de douaniers est tel que le président du syndicat des agents frontaliers craint qu'on puisse «échapper» des gens à la frontière.

«C'est présentement une de mes craintes qu'on puisse laisser passer des gens dans ce maillon-là parce qu'il y a un manque d'employés et que la pression est très forte», s'inquiète Jean-Pierre Fortin, président national du Syndicat des douanes et de l'immigration. Il craint que les agents frontaliers soient tentés d'«aller dans la facilitation» en raison de la grande pression à laquelle ils sont soumis. Le syndicaliste assure néanmoins que ses membres font leur travail méticuleusement, même en période de congestion.

À la sortie de la douane, les Québécois de retour de vacances et les touristes interrogés par La Presse déploraient unanimement le temps d'attente important à la frontière. La plupart ont même confié n'avoir jamais expérimenté une telle attente dans un aéroport, peu importe le pays. Les voyageurs les plus chanceux ont réussi à s'extirper en une heure et quart des interminables files d'attente qui zigzaguaient jusqu'aux quais de débarquement des avions. Par contre, la majorité des voyageurs débarqués mardi vers 18 h ont attendu environ deux heures avant d'empoigner leurs proches ou de monter dans un taxi.

Mauvais pour l'image du Québec?

«C'est un désastre! C'est dégoûtant! J'ai attendu plus de deux heures!», pestait Mary, une Montréalaise de retour de vacances, vers 17h45. Son vol avait pourtant atterri à 15h15. «J'ai attendu deux heures. Il y avait un nombre infernal de personnes ! C'est la première fois que je vois ça ici, mais je suppose que c'est la rentrée», a dit Jean, un homme arrivant de New York, depuis l'Afrique, exténué par son long périple.

Le directeur général du Grand Prix de Trois-Rivières, Dominic Fugère, est resté coincé deux heures dans le hall de la douane canadienne. Il a déploré la désorganisation à la frontière et craint que l'image du Québec soit écorchée par ce «problème systémique» à la douane. 

«On n'a jamais une deuxième chance de faire bonne impression. Je suis déçu que ce soit l'image qu'on donne aux visiteurs qui viennent chez nous.» - Dominic Fugère

Un nombre très important de vols internationaux a atterri à l'aéroport Montréal-Trudeau entre 15h et 18h, provoquant un déferlement de 6100 personnes à la douane. L'objectif opérationnel de 20 minutes de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ainsi été dépassé par cet afflux de voyageurs. «Les délais d'attente ont été causés principalement par une convergence de vols internationaux ayant occasionné un temps d'attente de plus de 60 minutes», a indiqué par courriel Stéphane Malépart, directeur régional adjoint des communications de l'ASFC au Québec.

L'ASFC observe une croissance de 18% du nombre de voyageurs à l'aéroport de Montréal par rapport à la même période l'an dernier. «Chaque voyageur arrivant au Canada doit faire l'objet d'un contrôle. L'ASFC doit maintenir l'équilibre entre un traitement rapide et fluide des voyageurs et l'application de plus de 90 lois et règlements», rappelle M. Malépart.

Jean-Pierre Fortin n'avait jamais vu un été aussi achalandé aux douanes en 33 ans de service. «Il a manqué de ressources partout au pays! C'est l'aboutissement des fameuses coupes du gouvernement fédéral il y a trois, quatre ans. Ç'a résulté en plus de 1000 postes coupés à l'Agence sous le gouvernement conservateur, mais on n'a pas réembauché ces 1000 agents», déplore-t-il.

Afflux d'étudiants étrangers

Des milliers d'étudiants étrangers débarquent à Montréal depuis trois semaines pour la rentrée scolaire. Le traitement de leur dossier prend entre cinq et dix minutes, contre moins d'une minute pour un voyageur moyen, selon Jean-Pierre Fortin. «Cette clientèle fait en sorte que ça ralentit le processus des voyageurs qui arrivent au pays. C'est un autre problème», soutient-il. Ces derniers jours, il y a parfois jusqu'à 8000 passagers qui convergent à la douane de Montréal en fin d'après-midi, ajoute-t-il.

Le président du syndicat réclame l'utilisation de davantage d'agents frontaliers lorsque la douane est «à pleine capacité» comme en ce moment. L'ASFC maintient pour sa part que les effectifs sont ajustés «selon les vols prévus à l'horaire afin d'avoir suffisamment de personnel et de limiter le plus possible les temps d'attente à la frontière».

«Pourquoi Aéroports de Montréal [ADM] ne fait pas des horaires pour que les avions arrivent au pays de façon mieux répartie, c'est-à-dire entre 10h et 22h?», s'interroge Jean-Pierre Fortin. Or, selon la vice-présidente aux affaires publiques d'ADM, Christiane Beaulieu, l'afflux de voyageurs internationaux en fin d'après-midi s'explique par le retour de voyageurs en provenance des États-Unis partis le matin et par les nombreux départs d'Europe entre 11h et 14h, dans le but notamment de repartir sur le vieux continent en fin de soirée.

«Le nombre de passagers à l'international à Montréal augmente de 10% année après année, depuis plus de 10 ans. Cette situation n'est pas unique à Montréal, car Toronto fait face à une très grande croissance également. C'est pourquoi ADM a acheté à ses frais un grand nombre de bornes de contrôle automatisées afin de supporter le processus douanier et permettre des gains dans le temps de traitement des passagers», a affirmé par courriel Christiane Beaulieu, mardi soir.