Une importante association canadienne de l'alimentation conteste devant les tribunaux un règlement d'un arrondissement montréalais cherchant à limiter la prolifération des restaurants rapides. Restaurants Canada affirme vouloir éviter que d'autres villes imitent Montréal en obtenant un jugement établissant que les villes n'ont pas le pouvoir d'interdire leur présence sur leur territoire. Explications.

L'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG), qui affirme vouloir encourager les saines habitudes alimentaires, a adopté l'hiver dernier un règlement pour limiter la présence des restaurants rapides sur son territoire. En vertu des règles en vigueur depuis mars, les nouveaux établissements de fast-food seront autorisés seulement dans trois secteurs de l'arrondissement, soit le long de l'autoroute Décarie, de la rue Saint-Jacques et à la Plaza Côte-des-Neiges. Il est ainsi désormais interdit à ces restaurateurs de s'établir au coeur des quartiers résidentiels - même dans les artères commerciales - ou près des écoles.

Aux tribunaux de trancher

Après avoir multiplié les efforts de lobbyisme pour convaincre CDN-NDG de renoncer à son projet, Restaurants Canada, qui représente 30 000 entreprises du secteur de l'alimentation dans le pays, a maintenant décidé de s'adresser aux tribunaux. Dans une contestation judiciaire déposée récemment, l'association dont le siège est à Toronto affirme qu'il s'agit d'une « législation déguisée, ce qui est illégal », une ville ne disposant pas de ces pouvoirs. « L'arrondissement ne peut pas adopter une réglementation qui cherche à limiter ou entraver les choix alimentaires des individus ni d'affecter l'offre alimentaire de cette façon », clame l'association dans sa contestation.

Règles jugées « arbitraires »

Restaurants Canada en a particulièrement contre la définition de restaurants rapides adoptée par CDN-NDG. L'arrondissement décrit ceux-ci comme des « établissements de restauration dont les aliments sont servis majoritairement dans des contenants, emballages ou assiettes jetables, lorsqu'ils sont consommés sur place et où il n'y a aucun service aux tables ». L'association estime que ces critères sont « purement arbitraires et n'ont aucun lien réel et cohérent avec l'objectif de promouvoir les saines habitudes de vie ou la saine alimentation ». L'organisation soutient que la façon de servir les aliments n'a aucun lien avec leur qualité.

Éviter l'effet boule de neige

En contestant ce règlement, Restaurants Canada veut éviter que d'autres villes imitent CDN-NDG. « On est obligés de demander à la cour de clarifier la situation parce que ça risque de faire boule de neige. D'autres municipalités regardent ça et vont vouloir légiférer. [...] Oui, il y a des problèmes d'obésité, oui, il y a des coûts au système de santé, on entend, on écoute, mais quand on en arrive à restreindre nos opérations pour des choses qui ne sont pas toujours nécessairement basées sur la science - il y a beaucoup d'associations faites gratuitement -, il faut à un moment demander aux juges de mettre de la clarté là-dedans », a indiqué Pierre Cadieux, vice-président aux affaires fédérales et Québec de Restaurants Canada.

D'autres villes les interdisent

CDN-NDG est en effet loin d'être le seul endroit à avoir les restaurants rapides dans sa ligne de mire. Un projet-pilote a été mené de 2009 à 2011 dans trois villes pour interdire ces établissements autour des écoles. Lavaltrie a fini par adopter un règlement dans ce sens en 2010, mais Gatineau avait au contraire abandonné l'idée en raison de la difficulté à faire appliquer un tel règlement alors que plusieurs restaurants étaient déjà implantés. Brossard a aussi adopté un règlement en 2015 pour limiter leur présence près des écoles. Un élu de Laval a également dit, en août 2015, qu'il travaillait à faire interdire les restaurants rapides près des établissements scolaires de sa ville.

Parallèle avec le tabac

«Je suis très déçu. Au lieu de prendre les devants et faire la promotion d'aliments sains, l'industrie de la restauration traîne de la patte. Elle utilise les mêmes arguments que l'industrie du tabac en disant que c'est une question de choix personnel», a déclaré Marvin Rotrand, conseiller municipal instigateur de la réglementation de CDN-NDG.

Limiter, pas interdire

L'élu municipal à l'origine du règlement, Marvin Rotrand, se défend de vouloir interdire les restaurants rapides, disant vouloir simplement limiter leur présence. Il ajoute que les établissements déjà en place peuvent poursuivre leurs activités, puisqu'ils bénéficient d'un droit acquis. Marvin Rotrand a bon espoir de voir son règlement survivre au test des tribunaux, puisqu'il a été validé par les avocats de la Ville avant son adoption. Vétéran de la politique municipale, Marvin Rotrand a mené plusieurs combats en santé publique à l'hôtel de ville. Il a incité la métropole à réclamer un renforcement des règles sur le tabagisme, notamment pour limiter la présence de la cigarette dans les parcs. Il a également tenté de convaincre Montréal d'adopter une taxe sur les boissons sucrées, mais sa proposition a été diluée.