Alors que les élus montréalais s'apprêtent à entériner le nouveau règlement encadrant la possession de chiens de type pitbull, une centaine de propriétaires et de défenseurs de ces chiens ont manifesté leur mécontentement hier soir devant l'hôtel de ville.

La majorité des manifestants n'étaient pas accompagnés de leur animal, mais arboraient des pancartes ou des t-shirts à l'effigie de leurs molosses.

« D'aller taper sur la tête des bons propriétaires de chiens, je pense que ça ne devrait pas être la priorité de la Ville alors que nos infrastructures sont en train de tomber en ruines », a déclaré l'un de ces propriétaires, Safwan Hamdy.

« Malheureusement, il y a eu une construction médiatique et populaire. Il y a des milliers, voire des dizaines de milliers de pitbulls en Amérique du Nord. Si on écoutait l'histoire qui nous est racontée, ça serait l'hécatombe. Les gens comme moi qui ont des pitbulls ne l'ont pas fait au détriment de la communauté ni parce qu'il y avait un risque. Ils l'ont fait parce que c'est un chien de compagnie agréable avec un tempérament sympathique. »

Plusieurs participants interrogés ont dénoncé « l'hystérie collective » dont ils sont victimes depuis la médiatisation des cas de morsures graves ou mortelles.

« Les gens ont maintenant peur de mes chiens alors que ce ne sont même pas des pitbulls. Je me promène dans la rue et les gens tirent leurs enfants pour ne pas qu'ils touchent à mes animaux », a dit Louise Makovsky, une manifestante.

« Avant, les gens me disaient : "il est tellement beau, je veux le flatter". L'autre jour, une femme a traversé la rue comme si j'étais une tueuse en série. Je me suis même fait crier par quelqu'un en voiture qu'il fallait abattre les pitbulls », a dit en soupirant Tamara Bardek, qui a adopté un chien dans un refuge en janvier dernier. Depuis qu'elle a son animal, sa santé physique et mentale s'est beaucoup améliorée, dit-elle.

LES « HUMAINS AVANT LES CHIENS », DIT CODERRE

Ces arguments n'ont pas fait fléchir le maire Denis Coderre. Après la manifestation, quelques participants ont pris part à la période de questions au conseil municipal.

« Notre rôle est de protéger la population, il arrive trop souvent des incidents et on se devait d'agir, mais on l'a fait de façon mesurée », a-t-il répondu.

« Ceux qui ont déjà un chien de type pitbull pourront le conserver en autant qu'ils respectent les critères », a dit Denis Coderre, maire de Montréal.

En vertu du nouveau règlement de la Ville (qui, à moins d'un revirement spectaculaire, sera officiellement adopté par les conseillers municipaux aujourd'hui), les nouveaux pitbulls seront désormais interdits à Montréal. Ceux qui s'y trouvent déjà seront retirés à certains citoyens au passé criminel, mais pas aux propriétaires prêts à se plier à une série de règles. Les chiens devront par exemple être muselés et tenus au bout d'une laisse de 1 mètre sur la voie publique. Ils devront être stérilisés, vaccinés contre la rage et dotés d'une micropuce.

UN EXEMPLE POUR LA PROVINCE ?

Le premier ministre n'a pas voulu entrer dans les détails, mais la décision de Montréal pourrait bien se refléter dans l'ensemble du Québec. Hier matin, le Journal de Montréal a révélé que le gouvernement Couillard souhaite interdire les pitbulls et d'autres chiens dangereux et veut imposer des règles strictes pour tous les chiens, peu importe la race.

« On veut le faire avec comme principale préoccupation la sécurité des gens, a déclaré le premier ministre Philippe Couillard, hier après-midi. L'article [d'hier] matin, ça correspond à peu près à nos intentions, mais je n'irai pas plus loin avant que Martin Coiteux [ministre de la Sécurité publique] n'ait eu la chance de venir présenter [le projet de loi] et de le débattre avec nos collègues du caucus. »

MINISTRES, MAIS MÉDECINS AVANT TOUT

Depuis que le débat sur l'avenir des pitbulls est sur la place publique, le ministre de la Santé Gaétan Barrette ne s'en est jamais caché : selon lui, les pitbulls doivent être interdits. Le médecin radiologiste a d'ailleurs confirmé, hier, que sa profession a joué un rôle dans le processus décisionnel.

« Monsieur le premier ministre est aussi médecin et nous avons eu à intervenir pour expliquer à nos collègues la teneur médicale de la morsure du pitbull, qui n'est pas une morsure simple », a expliqué le ministre, qui, le temps d'une réponse, a remis son chapeau de médecin.

« C'est une lacération complexe. Quand on le voit médicalement, c'est assez spectaculaire. Et quand on voit les suites, elles sont tout aussi spectaculaires. Les patients, souvent des enfants, se retrouvent avec des déficits réels pour leur vie entière », a enchaîné le ministre de la Santé.

« Il me semble que le statu quo n'est pas tenable et qu'on doit agir, et je pense qu'on s'en va dans la bonne direction », a dit Gaétan Barrette, ministre de la Santé.

La prise de position du gouvernement provincial s'annonce donc beaucoup plus rigide que ce que lui recommande son groupe de travail, pour qui les pitbulls - ni aucune autre race de chien - ne devraient pas être interdits.

«  Il faut une bonne discussion là-dessus, c'est un enjeu très près des gens et on veut le faire avec comme principale préoccupation la sécurité des gens », a dit M. Couillard, sans vouloir se prononcer davantage.