Un jugement de la Régie du logement promet de fait grand bruit dans le monde de la location en ligne. Le tribunal administratif vient d'interdire à un propriétaire d'augmenter de 1000 $ par mois le loyer d'une personne offrant son appartement sur le site Airbnb, mais impose en revanche au locataire de désormais faire approuver chacun de ses clients.

En septembre 2014, Quan Sheng Li a signe un bail de 1770 $ par mois avec l'entreprise responsable de la gestion d'un immeuble locatif du centre-ville de Montréal. Huit mois plus tard, le propriétaire avise son locataire qu'il compte augmenter son loyer de 1000 $ par mois après avoir découvert que celui-ci sous-louait son logement sur le site Airbnb, pour 120 $ par nuit.

C'est le locataire qui a mis la puce à l'oreille de son propriétaire quand il lui a demandé de faire bloquer les appels internationaux. Une recherche sur le site d'Airbnb a rapidement confirmé les soupçons que celui-ci sous-louait son logement à des touristes. Plusieurs voisins se sont également plaints de gens fumant dans le couloir et du va-et-vient dans le logement.

Quan Sheng Li a contesté devant la Régie son augmentation, réclamant plutôt une réduction de 250 $ par mois ainsi que 20 000 $ en dommages. De son côté, l'entreprise gérant l'immeuble a demandé l'expulsion de son locataire. Le jugement rendu en mars donne tort aux deux parties.

Qualifiant d'«abusive» l'augmentation de 1000 $ par mois, la juge administrative Anne Mailfait a invité les deux parties à s'entendre «sur un montant raisonnable». Elle a souligné dans son jugement que le propriétaire avait agi illégalement en voulant punir son locataire et récupérer une partie des profits en augmentant considérablement son loyer.

La Régie a toutefois refusé d'accorder des dommages punitifs au locataire puisque Quan Sheng Li a reconnu qu'il utilisait peu le logement à ses propres fins. En fait, il habite principalement à Toronto et, lors de ses rares visites à Montréal, vit principalement dans une maison qu'il possède à Beaconsfield. Bref, l'appartement sert principalement à la sous-location par l'entremise d'Airbnb.

Droit de refus

Si le propriétaire ne peut augmenter son loyer de 1000 $, il conserve le droit de refuser certains visiteurs. La juge administrative rappelle que personne n'est exempté de l'obligation d'informer le propriétaire de l'identité des sous-locataires. Et ce, 15 jours à l'avance. Le jugement impose donc au locataire de «produire à la locatrice une demande d'autorisation pour chaque sous-location». Le propriétaire «pourra s'y opposer pour les motifs qu'il jugera sérieux».

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) estime que la Régie aurait dû résilier le bail, le locataire n'ayant pas respecté l'obligation d'informer le propriétaire des sous-locations.

En fait, l'organisation croit même que le logement au coeur de ce litige ne relevait pas de la compétence du tribunal administratif puisque celui-ci est manifestement utilisé à des fins commerciales et non plus résidentielles. « Comment pouvez-vous prétendre imposer une fixation de loyer alors que vous savez très bien que l'usage des lieux n'est pas résidentiel ? », demande Hans Brouillette, porte-parole de la CORPIQ.

L'organisation de défense des propriétaires se dit renversée de voir que des locataires peuvent louer à fort prix des logements alors que les augmentations sont sévèrement contrôlées par la Régie du logement. «C'est un locataire qui fait du profit avec un bien qui ne lui appartient pas», s'indigne M. Brouillette.

Le jugement de la Régie souligne d'ailleurs que «le signal qu'envoient ces sous-locations très lucratives aux locateurs est que la valeur locative du logement ne représente pas celle du marché locatif».