Le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports du Québec va lancer d'ici quelques semaines un chantier de plus de 55 millions dont l'objectif premier est de faciliter la circulation des camions entre l'autoroute 25 et le port de Montréal, dans l'est de la ville. Le projet a obtenu un appui presque sans réserve de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Mais des critiques accusent déjà le Ministère de créer un carrefour dangereux pour les cyclistes et de sacrifier la qualité de vie des riverains au profit des poids lourds. Le projet d'« optimisation de l'A25 » peut-il encore être optimisé ?

Le projet d'optimisation de l'autoroute 25 va complètement transformer et moderniser un corridor autoroutier de 2,5 kilomètres de long construit il y a près de 50 ans entre les rues Notre-Dame et Sherbrooke Est, dans le prolongement direct du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, ouvert en 1967, dans l'est de Montréal.

C'est un des plus gros chantiers que le ministère des Transports du Québec (MTQ) lancera en 2016. Les travaux, en milieu fortement urbanisé, doivent durer deux ans et demi. Ils s'étendront sur environ 4,5 kilomètres de voies autoroutières, de même que dans les rues Sherbrooke et Hochelaga.

Pas moins d'une quinzaine de bretelles d'accès à l'autoroute et de connexions entre celle-ci et le réseau municipal de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) seront réaménagées, reconstruites, supprimées ou déplacées, dans l'ensemble du corridor où circulent quotidiennement plus de 100 000 véhicules.

De plus, selon les documents d'appels d'offres publics lancés par le MTQ, en décembre dernier, les travaux dans le corridor de l'A25 devront être coordonnés avec ceux d'au moins 15 autres chantiers majeurs de réfection de rues, d'infrastructures souterraines ou d'utilités publiques (Hydro-Québec, Vidéotron, Gaz Métro, etc.) prévus dans la périphérie immédiate du corridor routier, et ce, seulement pour 2016 et 2017.

Bien qu'il n'en ait ni les dimensions ni la complexité (et encore moins les coûts), le projet d'optimisation de l'autoroute 25, préliminaire obligé du grand chantier de réfection majeure du tunnel La Fontaine, modifiera aussi profondément l'empreinte de l'autoroute sur les quartiers avoisinants de l'Est que le fait la reconstruction de l'échangeur Turcot, dans le sud-ouest de Montréal.

Mais à la différence de ce superprojet de 3,7 milliards et de la plupart de ses autres interventions majeures en milieu urbain, le projet du MTQ pour l'autoroute 25, conçu en collaboration avec la Ville de Montréal, ne s'est pas heurté à de l'opposition nourrie dans l'est de la ville. Il a même l'appui à peu près inconditionnel de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, qui y voit un « projet très positif pour la communauté ».

« En 23 ans de vie publique, j'en ai vu des projets du MTQ, dont plusieurs étaient très mauvais, dit le maire de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, en entrevue avec La Presse. Mais cette fois-ci, je sens une volonté réelle du Ministère de régler des problèmes dans un environnement urbain chargé, traversé par une autoroute, et situé à proximité d'un port d'envergure internationale. Il faut mettre cela dans la balance. »

MANQUE D'OUVERTURE

Pour le maire Ménard, le MTQ a fait un effort réel pour prendre en compte le milieu urbain dans lequel s'intégrera son projet routier : une chaussée mixte en asphalte et béton pour réduire les vibrations, des carrefours munis de feux de circulation sur les grandes artères municipales, une rue résidentielle transformée en cul-de-sac pour éliminer la circulation de transit, des voies de desserte au profil rabaissé, pour éloigner le bruit des résidences voisines. On aura même recours à des puisards rectangulaires, au lieu des couvercles d'égout ronds habituels, afin que moins de camions les percutent et les soulèvent, en produisant un tapage de tous les diables.

Laurence Lavigne Lalonde, conseillère municipale du district Maisonneuve-Longue-Pointe, dans les limites duquel se réalisera l'ensemble du projet, estime que « globalement, c'est un bon projet ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La bretelle de la rue Sherbrooke Est pour emprunter l’autoroute 25 en direction sud sera éventuellement élargie à deux voies.

Elle estime toutefois que les critiques, les questions et les craintes exprimées par des citoyens du quartier de Mercier-Est depuis la première présentation publique du projet, en octobre 2015, auraient mérité « une meilleure écoute » de la part du MTQ, qui n'a « montré aucune ouverture » par rapport aux demandes citoyennes (voir autres textes).

Selon elle, les principales préoccupations soulevées par les résidants concernent le caractère « autoroutier » que prendra la rue Sherbrooke dans le secteur très achalandé de la Place Versailles, et le retour du camionnage après 15 ans d'interdiction dans une voie de desserte qui longe des secteurs résidentiels situés juste à l'est de l'autoroute.

Après la séance d'information publique d'octobre 2015, où le projet a été présenté à la population locale, raconte la conseillère, l'arrondissement a organisé deux rencontres en décembre et février derniers, pour mettre directement en contact des citoyens inquiets avec des représentants du MTQ. Le résultat a été « extrêmement décevant », affirme Mme Lavigne Lalonde.

« Lors de la seconde rencontre, on s'attendait à ce que le MTQ réponde aux questions soulevées en décembre sur l'aménagement de l'échangeur Sherbrooke et le camionnage sur la rue Curatteau, entre autres. Finalement, tout ce que les représentants du MTQ ont fait, c'est nous répéter ce qu'ils avaient dit la première fois. On nous a justifié des choix plutôt que de proposer des alternatives, et il n'y a eu aucune modification au projet. »

OPTIMISATION

L'objectif principal (et avoué) du projet est d'améliorer les accès entre les terminaux du port de Montréal, situés de part et d'autre du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, au sud de la rue Notre-Dame, et l'autoroute 25, qui traverse toute l'île de Montréal du sud au nord, où elle rejoint entre autres l'autoroute Métropolitaine (A40), colonne vertébrale du réseau routier supérieur de l'ensemble de la région métropolitaine.

Afin d'y parvenir, le MTQ va revoir la géométrie et la conception de la plupart des bretelles et voies de desserte de l'autoroute 25, entre les rues Notre-Dame et Sherbrooke Est.

Le pont de la rue de Boucherville, qui surplombe l'autoroute entre les rues Sherbrooke et Hochelaga, va être démoli. Ce vieux pont bruyant ne sera pas remplacé.

En direction sud, vers le tunnel, l'autoroute 25 sera élargie de deux à trois voies sur près d'un kilomètre de distance, entre la sortie 4 pour le centre-ville et la bretelle d'accès à l'autoroute, en provenance de la rue Souligny. Les travaux de nature autoroutière devraient être terminés dès la fin de 2017, selon un porte-parole du Ministère, Mario St-Pierre.

Les connexions routières entre l'A25 et le réseau municipal seront reconfigurées et reconstruites. Des travaux majeurs s'étendront d'ailleurs dans les rues Sherbrooke, Hochelaga et Tellier, aux points de rencontre des réseaux autoroutier et municipal. Selon l'échéancier préliminaire du projet, les chantiers sur le réseau municipal seront les derniers achevés, à l'automne 2018.

ACCÈS DIRECT

Enfin, le MTQ créera deux accès directs pour les camions entre le port de Montréal et l'autoroute 25, un dans chaque direction. Ainsi, les poids lourds circulant en direction sud bénéficieront d'une nouvelle sortie située juste en amont du tunnel pour rejoindre la rue de Boucherville, une voie de desserte menant directement aux installations portuaires.

Quant aux camions qui sortent du port, ils pourront emprunter la voie de desserte de la rue Curatteau à partir de la rue Notre-Dame, en direction nord, pour rejoindre la nouvelle bretelle d'accès à l'autoroute 25, quelque 800 mètres plus loin.

Le MTQ rétablit ainsi le camionnage sur une voie de desserte qui était interdite aux véhicules lourds depuis plus de 15 ans en raison du bruit et de la pollution qu'ils généraient pour les résidants du quartier de Mercier-Est et en particulier de la rue Curatteau, qui longe l'A25 sur près de trois kilomètres, jusqu'au nord de la rue Sherbrooke.

Cette décision, prise sans consultation, a surpris plusieurs riverains qui se plaignent encore de l'intensité du bruit et de la poussière provenant de l'A25, malgré les murs antibruit et monticules de terre élevés à la fin des années 90 pour protéger leur quartier des voies autoroutières.