Au moins trois commerces ont récemment été vandalisés dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve par des personnes disant vouloir dénoncer l'embourgeoisement du secteur.

Vendredi matin, Christian Simard a découvert avec déception que la façade de sa boutique, Electric Kidz, avait été complètement recouverte de peinture. C'est la première fois que ce commerce de vêtements pour enfants, établi dans Hochelaga depuis deux ans, est ainsi pris à partie. «On se trouvait chanceux de ne jamais avoir eu ne serait-ce qu'un tag, mais on y a goûté hier», déplore-t-il.

Des tracts revendiquant les actes de vandalisme ont été distribués au métro Préfontaine. «On a pété les vitrines pis pitché de la peinture partout [...] parce qu'on est en colère», dit le message.

Les auteurs écrivent vouloir dénoncer «la bouffe et le linge trop cher». Le message incite d'autres personnes à commettre des gestes similaires, donnant quelques trucs sur leur façon de procéder. Plusieurs autres commerces du secteurs ont été vandalisés de la sorte dans le passé.

Cette revendication étonne Christian Simard qui ne croit pas que sa petite boutique de fabrication de vêtements locaux pour les enfants fasse l'apologie du capitalisme sauvage. «Encore une fois, les anarchistes contre l'embourgeoisement s'attaquent à la mauvaise cible. Pourquoi s'en prendre à Electrik Kidz, une boutique familiale ? On vend du linge à l'image du quartier, on engage du monde du quartier, on vit ici. On travaille beaucoup et on ne fait pas beaucoup d'argent. Pourquoi s'attaquer à nous?», demande Christian Simard, de l'atelier Electrik Kidz.

Faire disparaître les traces de cette mésaventure pourrait être long puisqu'il faudra attendre que la température soit au-dessus du point de congélation.

La boutique n'est pas la seule à avoir reçu la visite de vandales. Un peu plus à l'Est sur Ste-Catherine, les vitres du café Les Affamés ont été brisées. Même s'il savait que des commerces étaient parfois vandalisés dans le quartier, un copropriétaire admet avoir été surpris par la violence de ces gestes. «On a déjà eu des niaiseries, comme de la marde dans les fenêtres, des graffitis, mais ça n'avait jamais été aussi intense. C'est plus violent. On est un peu plus craintifs», dit Alexandre Genest, copropriétaire du restaurant Les Affamés.

Sur Ontario, le comptoir alimentaire Antidote a lui aussi vu ses vitrines fracassées par des vandales. «Je trouve cela vraiment triste. Je suis une jeune propriétaire. Je suis du quartier, j'engage du monde du quartier. Le message ne passe vraiment pas bien», se désole Élise Bellerose.

La jeune femme se défend d'encourager l'embourgeoisement d'Hochelaga. «Je ne trouve pas : j'ai un commerce vegan. Si j'ai ouvert dans Hochelaga, c'est parce que j'y vis. Je regarde le monde dans mon commerce en ce moment et ce ne sont pas des gros bourgeois. Ce sont surtout des étudiants. J'ai même un punk qui vient souvent prendre son café au lait de soya», dit Élise Bellerose.

Au moins une personne a rapporté avoir été témoin des actes de vandalisme. Ceux-ci auraient été perpétrés par deux personnes armées de masses. Des caméras de sécurité pourraient avoir filmé le duo à l'oeuvre.

Au SPVM, on indique qu'il n'y a pas de recrudescence des incidents de vandalisme dans le quartier. Une enquête est en cours pour appréhender les auteurs.

Le maire de l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, s'est désolé de voir de nouveaux commerçants ainsi pris pour cibles. «C'est extrêmement triste, mais ça ne me découragera pas dans ma volonté d'encourager la mixité. On ne cédera pas à cette intimidation.»

L'association des commerçants du secteur espère voir les policiers intensifier leurs patrouilles même si ces incidents demeurent peu fréquents.

«Ce n'est pas quelque chose de fréquent, on pense que c'est l'oeuvre de quelques individus radicaux. Ce n'est pas une inquiétude majeure, mais c'est sûr que c'est déplorable et inacceptable», a dit Pierre Lessard-Blais, président de Promenade Hochelaga-Maisonneuve. Celui-ci espère que les résidants du quartier iront visiter les commerçants pour témoigner de leur solidarité.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Sur la rue Ontario, le comptoir alimentaire Antidote a lui aussi vu ses vitrines fracassées par des vandales.