La Ville de Montréal réclame davantage de pouvoirs pour réussir à éradiquer les salons de massage érotique. «On a atteint les limites de nos pouvoirs», dit Anie Samson, élue responsable de la sécurité publique. Malgré ses outils limités, la métropole dit avoir réussi à freiner la prolifération de ces établissements sur son territoire au point où, se sachant sous haute surveillance, les gangs de rue n'oseraient plus y faire travailler les jeunes fugueuses tombant dans leurs griffes.

La filière Ottawa-Winnipeg

Le Comité interministériel sur l'exploitation sexuelle mandaté par Québec avait cité les salons de massage érotique des grandes villes comme faisant partie des principaux endroits où les jeunes Québécoises se retrouvaient. Ce n'est plus le cas, assure Anie Samson, la métropole ayant considérablement resserré sa surveillance de ces établissements. « Quand on parle de mineures, de traite de femmes, de proxénétisme, c'est tolérance zéro. À Montréal, le problème n'est pas là. Le problème, c'est que les gangs prennent les jeunes et les envoient à l'extérieur. La filière, c'est Ottawa et Winnipeg. C'est pour ça qu'il faut agir rapidement, dans les 24 ou 48 heures. Parce qu'après, elles ne sont plus ici. Les gangs savent qu'ils n'ont pas intérêt à rester longtemps sur le territoire de Montréal. »

Situation en main

Sans avoir réussi à éliminer les salons de massage érotique, Montréal assure avoir repris le contrôle. « Il y en a eu beaucoup il y a quelques années, mais ça a freiné. Les arrondissements posent plus de questions avant de donner des permis, les inspecteurs font plus d'inspections : les conditions sont plus difficiles pour ouvrir un salon de massage érotique », assure Anie Samson. Elle cite en exemple son arrondissement, Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, qui a vu le nombre de ces établissements passer de 13 à 3 depuis deux ans. Les 15 salons dans Saint-Laurent auraient tous fermé boutique au cours des deux dernières années, dit l'élue. Montréal admet toutefois ne pas savoir précisément combien sont encore en exploitation.

Pouvoirs réclamés

Montréal a beau arriver à fermer certains salons, ils réussissent souvent à rouvrir peu de temps après dans le quartier voisin. Pour endiguer durablement le problème, la Ville réclame à Québec de nouveaux pouvoirs dans le cadre du projet de loi sur le statut de métropole. On veut notamment obtenir la possibilité pour Montréal de décréter les heures d'ouverture et de fermeture des salons de massage. « Actuellement, il y a des heures de fermeture pour les salons de coiffure, les restaurants, les bars, mais pas pour les salons de massage. Si on enlevait le 24 heures, il n'y en aurait plus de fins heureuses à 3 heures du matin », lance Anie Samson.

Un seul outil

À l'heure actuelle, la Ville de Montréal dit avoir un seul moyen de lutter contre le fléau des salons de massage érotique : la délivrance du permis d'occupation pour soins personnels dans le cas de ces établissements. Cet outil est toutefois bien imparfait puisque certains réussissent à obtenir leur autorisation en cachant le volet érotique de leurs activités. « Quand tu y vas, tu te rends compte que c'est un salon de massage avec des fins heureuses et que ce n'est pas nécessairement thérapeutique », s'indigne Anie Samson. Pour elle, il ne fait pas de doute que ces gestes sont criminels. Mais l'élue affirme qu'il est malgré tout difficile après coup de retirer le permis une fois celui-ci accordé. « Actuellement, un certificat d'autorisation, tu es pris avec tant qu'un propriétaire reste », dit-elle. La mairesse de Villeray dit avoir réussi à faire fermer trois salons de massage érotique après avoir constaté qu'ils avaient changé de mains récemment. « Un coup de chance », dit-elle.

Retirer les permis

Pour renforcer la lutte contre les salons de massage érotique, Montréal réclame dans le statut de métropole d'obtenir le pouvoir de retirer un permis d'occupation lorsqu'un acte criminel y est perpétré. « Quand la police fait des descentes, il faudrait pouvoir retirer leur permis au fur et à mesure qu'on constate qu'un acte criminel a été posé dans un local », dit Anie Samson. Les bénéfices d'un tel pouvoir ne se limiteraient pas aux salons de massage, poursuit l'élue. « En ce moment, la police fait des descentes dans des cafés qui vendent de la drogue, mais on n'a pas le droit de retirer leur permis », se désole-t-elle. Elle cite en exemple un établissement de son arrondissement visité à 19 reprises par les policiers, mais toujours en exploitation.

Centralisation réclamée

En plus de ces nouveaux pouvoirs, Montréal réclame aussi que l'émission des permis relève de la ville-centre, plutôt que des arrondissements, comme c'est présentement le cas. Cette façon de faire permettrait d'éviter de voir un établissement fermé ouvrir dans le quartier voisin, comme c'est présentement le cas. « On est 19 arrondissements et il y a 19 façons de faire. Il n'y a pas de cohérence. En ce moment, quand on règle un problème, ça s'en va chez le voisin », déplore Anie Samson. Elle a constaté elle-même le problème quand elle a noté qu'un salon fermé dans son arrondissement avait rouvert dans un quartier voisin peu après.

C-36 a brouillé les cartes

Le dossier des salons de massage érotique était l'un des premiers que le maire Denis Coderre avait dit vouloir régler à son arrivée à la mairie, en novembre 2013. Si ces établissements n'ont pas disparu, c'est en partie en raison du projet de loi C-36 présenté par l'ancien gouvernement conservateur, qui est venu brouiller les cartes, dit Anie Samson. « Ça nous a freinés dans notre élan. On avait un plan d'action, et là, on est venu nous dire que la prostituée a le droit de faire son travail, que c'est le client qui se trouve dans l'illégalité. C'était flou. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE