Un assureur refuse de payer pour des travaux d'égouts réalisés au parc-nature du Cap-Saint-Jacques, car l'entreprise, incapable de les terminer, aurait obtenu le contrat grâce à un stratagème de collusion et de corruption impliquant des ingénieurs de la Ville de Montréal. L'Unique assurances générales réclame à la Ville de Montréal et à l'entrepreneur Conex construction routière le remboursement des 5 millions de dollars qu'elle a dû débourser pour terminer le chantier. Le président de Conex, Lewis Conte, est aussi visé par la poursuite.

« La Ville de Montréal et Conex ont transgressé volontairement les règles et les principes fondamentaux qui régissent les processus d'appel d'offres public. Par leur corruption et leur collusion, les défendeurs ont annihilé le but fondamental du processus d'appel d'offres qui vise à mettre en concurrence les différentes personnes intéressées à obtenir un contrat, dans le but d'offrir aux contribuables le meilleur prix possible », peut-on lire dans la poursuite déposée cet été à la Cour supérieure.

La commission Charbonneau revient hanter la Ville

En juin 2009, Conex a remporté le contrat pour la construction d'égouts sanitaires et de conduites d'eau secondaires dans le parc-nature et le chemin du Cap-Saint-Jacques avec une soumission de 9 749 810 $.

Comme c'est le cas dans tous les contrats de construction, deux contrats de cautionnements ont été réalisés avec une compagnie d'assurances : le premier pour les gages, matériaux et services, et le second pour l'exécution. L'Unique s'est donc engagée envers la Ville de Montréal à exécuter les travaux de Conex si celle-ci était en défaut.

« Gilles Surprenant, ingénieur à l'emploi de la Ville de Montréal et qui a été entendu à titre de témoin lors de la commission Charbonneau, a fait des aveux à l'effet que le Projet Cap-Saint-Jacques a été truqué par les défendeurs. », dit un extrait de la poursuite.

« Il appert de son témoignage que l'ingénieur Surprenant a eu des échanges avec Lewis Conte, avant l'ouverture des soumissions, quant au prix estimé par la Ville de Montréal. L'ingénieur Surprenant, avec l'accord de [l'ingénieur de la Ville de Montréal] Yves Themens, a modifié l'évaluation préparée dans l'objectif d'avaliser le prix qu'allait soumettre Conex. M. Surprenant a également confirmé qu'il s'est présenté à de nombreuses reprises au siège social de Conex afin d'aller récupérer l'argent comptant qui lui était remis pour participer au stratagème de collusion et de corruption », ajoute le document judiciaire.

12 millions pour terminer les travaux

En février 2010, Conex n'est plus en mesure de réaliser les travaux. L'Unique est intervenue pour répondre aux réclamations des sous-traitantes et s'est chargée de terminer les travaux.

« Pour ce faire, l'Unique a dû débourser la somme de 12 429 044 $ et a reçu de la Ville de Montréal des paiements totalisant la somme de 7 298 037 $, subissant une perte de 5 131 006 $ », peut-on lire dans la poursuite.

Dans les faits, l'Unique assurances demande au tribunal de condamner conjointement les défendeurs à lui rembourser la somme de 12 millions. Mais avant, elle offre de rembourser la somme de 7,2 millions qu'elle a déjà reçue de la Ville de Montréal.

Du côté de la Ville de Montréal, on affirme que la requête sera contestée par le service des affaires juridiques.

«La Ville ne doit rien à L'Unique, a déjà payé suivant le contrat octroyé et ne saurait payer plus. Par ailleurs, les sommes déboursées par une compagnie de caution le sont en fonction des termes de leur contrat de cautionnement», a indiqué hier soir dans un courriel un porte-parole de la Ville de Montréal, Gonzalo Nunez.

«Par ailleurs, mentionnons que c'est la Ville de Montréal et les contribuables montréalais qui ont été les premières victimes des diverses fraudes et des manoeuvres dolosives en lien avec l'octroi de certains contrats publics, tel que révélé lors des travaux de la commission Charbonneau. Rappelons également que les ex-fonctionnaires de la Ville nommés dans la poursuite (M. Surprenant. M. Themens) ont agi en violation flagrante de leur devoir de loyauté et de leurs obligations professionnelles», a-t-il ajouté.

Image tirée d'une vidéo, La Presse

Gilles Surprenant