Il faudra vraisemblablement attendre la fin du scrutin fédéral avant de connaître le dénouement de la crise du déversement des eaux usées. La ministre de l'Environnement fédérale, Leona Aglukkaq, vient de décréter d'un «arrêté provisoire» pour empêcher le rejet de 8 milliards de litres d'eau d'égout dans le fleuve Saint-Laurent, qui devait débuter dans quatre jours. La ministre nomme aussi un expert indépendant pour procéder à un examen scientifique du dossier.

Le lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, Denis Lebel, en a fait l'annonce en son nom, cet après-midi, lors d'un point de presse à Saguenay.

«Mon ministère a déterminé que les répercussions environnementales du déversement projeté risquent d'être importantes. De plus, la Ville de Montréal n'a pas fait d'études sur les répercussions possibles de ce déversement », a déclaré la ministre Aglukkaq dans déclaration lue par le ministre Lebel. « Les données étant limitées, Environnement Canada ne peut pas confirmer si les eaux usées non traitées qui doivent être déversées ont un degré de toxicité aigu. Un examen scientifique indépendant réalisé par une tierce partie permettra de garantir la meilleure protection possible du fleuve Saint-Laurent», a-t-elle ajouté.

Impossible de savoir, pour l'instant, l'identité de l'expert indépendant qui mènera les travaux.

Le maire Coderre réagira pour sa part à 18h00.

La crise du «flush gate» a débuté il y a environ deux semaines lorsque son administration a indiqué qu'elle n'avait pas d'autre choix que de procéder à la purge complète d'un intercepteur de 30 kilomètres compris entre les arrondissements de LaSalle et de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles entre le 18 et le 25 octobre. Cette immense conduite, qui recueille le tiers des eaux usées de Montréal, sert à diriger ces eaux vers la station d'épuration de la métropole.

La vidange de l'eau a lieu dans le cadre des travaux d'abaissement de l'autoroute Bonaventure dans le but de faire disparaître la chute à neige du centre-ville. La Ville veut aussi retirer quatre systèmes de soutènement vétustes qui menacent de se détacher dans l'intercepteur et d'endommager les convoyeurs et les pompes de la station d'épuration.

La semaine dernière, un véritable bras de fer s'est engagé entre le maire Coderre et la ministre Aglukkaq lorsqu'elle a demandé à Montréal de suspendre le déversement le temps qu'Environnement Canada procède à une évaluation des impacts environnementaux. 

Visiblement irrité, Denis Coderre avait alors accusé le gouvernement conservateur de «faire de la politique» sur le dos des Montréalais et de «gagner du temps» d'ici le scrutin du 19 octobre.

Des échos à Québec

Le gouvernement Couillard a autorisé l'administration Coderre à procéder au déversement. Une décision qui place le ministre de l'Environnement, David Heurtel, sur la défensive depuis deux semaines.

Dans un communiqué diffusé en fin de journée, ce dernier maintient que son Ministère a mené une étude sérieuse du projet de la Ville. Rien n'indique que l'expert indépendant mandaté par Ottawa arrivera à des conclusions différentes, a-t-il indiqué.

«Le gouvernement fédéral n'apporte aucun élément nouveau, indique le ministre dans son communiqué. Les experts du gouvernement du Québec ont fait leur devoir. Ceux-ci ont effectué une analyse rigoureuse et complète, basée sur les connaissances scientifiques. D'ailleurs, leurs conclusions sont appuyées par des experts universitaires externes au gouvernement.»

Bien que le gouvernement Couillard ne se sente pas directement visé par la décision d'Ottawa, l'annonce de mercredi a été très mal reçue dans la capitale provinciale. Une source gouvernementale s'est montrée incrédule que les conservateurs suspendent les travaux alors qu'une infrastructure cruciale de la Ville de Montréal présente un «risque réel» de bris.

L'intervention fédérale a cependant été applaudie par l'opposition à l'Assemblée nationale.

Le député du Parti québécois, Mathieu Traversy, juge «gênant» que le gouvernement conservateur intervienne pour stopper le déversement.

«Le fédéral est obligé de faire la job parce que Québec n'est pas capable de la faire, a ironisé le député. Le ministre Heurtel et le premier ministre Couillard se traînent les pieds et Environnement Canada est obligé de venir à la rescousse.»

La Coalition avenir Québec, qui réclame la destitution du ministre Heurtel depuis la semaine dernière, est revenue à la charge mercredi.

«Si la suspension de la semaine dernière était une gifle pour le ministre Heurtel, celle décrétée aujourd'hui doit le faire tomber en bas de sa chaise, a déclaré le député caquiste Mathieu Lemay dans une déclaration écrite. Il n'a plus les compétences pour être ministre de l'Environnement et doit être démis de ses fonctions.»

- Avec la collaboration de Martin Croteau