Il met l'industrie du taxi en rogne, divise les politiciens et fait le bonheur de nombreux consommateurs. Mais le controversé service d'autopartage payant UberX pourrait aussi sauver des vies, selon une étude américaine indépendante.

Des chercheurs de la Fox School of Business de l'Université Temple, à Philadelphie, ont en effet démontré qu'UberX entraîne une baisse de la mortalité liée à l'alcool au volant lorsqu'il débarque dans une ville.

«La conclusion de l'étude, c'est que si vous offrez des véhicules bon marché avec une cohorte suffisante de chauffeurs, il y aura une diminution des accidents fatals liés à l'alcool au volant», a expliqué à La Presse Brad Greenwood, auteur principal de l'étude.

Pour tirer ces conclusions, les auteurs ont comparé le taux de mortalité liée à l'alcool au volant avant et après l'arrivée d'Uber dans 540 municipalités de la Californie, l'État où l'entreprise a démarré ses activités. Leur base de données s'étend de 2009 (année de la fondation d'Uber) à 2014.

Dans le cerveau d'un fêtard

Pour comprendre les résultats des chercheurs, il faut se mettre dans la tête d'un fêtard qui sort d'un bar. Devrait-il prendre le volant ou sauter dans un taxi? Selon les chercheurs, notre ami éméché effectue ici un «calcul de coûts-bénéfices». Il compare le coût du trajet de taxi à l'estimation qu'il fait de la probabilité de se faire pincer par la police et des conséquences que cela entraînerait.

Brad Greenwood explique que le fait que le service UberX soit souvent moins cher que le taxi conventionnel modifie ce calcul et fait en sorte que davantage de gens décident de laisser leur clé de voiture dans leur poche. En éliminant toutes les autres variables qui pourraient influencer les résultats, les chercheurs calculent que l'arrivée d'UberX réduit les accidents mortels liés à l'alcool quelque part entre 3,6 et 5,6%.

«Montréal est une ville assez grande, et si assez de conducteurs d'UberX s'inscrivent, je ne vois pas pourquoi les conclusions ne tiendraient pas», a répondu M. Greenwood à La Presse.

Le prix et juste le prix

En démarrant leur étude, les chercheurs croyaient que tous les services offerts par Uber permettaient de réduire les accidents mortels liés à l'alcool. La facilité avec laquelle la plateforme d'Uber permet de commander et de payer un taxi, pensaient-ils, convaincrait certains buveurs de se faire conduire plutôt que de conduire.

Or, ils ont découvert qu'un service plus cher, comme Uber Black, qui s'appelle ici Uber Select et permet de commander un taxi plus luxueux aux banquettes de cuir, n'a généralement aucun effet sur le nombre de morts au volant. Ce sont vraiment les chauffeurs d'UberX, qui utilisent leur propre véhicule et demandent généralement moins cher qu'un taxi traditionnel, qui sauvent des vies.

«J'ai été surpris par la disparité des résultats, admet M. Greenwood. Il semble que le facteur central dans la décision des consommateurs soit le prix.»

À Montréal, UberX prétend coûter environ 30% moins cher que le taxi traditionnel. L'entreprise a toutefois adopté une pratique de «prix dynamiques» selon laquelle elle hausse ses tarifs lorsque la demande augmente. Les chercheurs ont justement observé que lorsque les prix d'UberX sont plus hauts, comme pendant le week-end et les vacances, l'effet sur le nombre d'accidents liés à l'alcool disparaît.

Puisque les gens boivent plus pendant les week-ends et les vacances, Uber pourrait-il sauver encore plus de vies s'il abandonnait sa pratique de prix dynamiques?

Pas nécessairement, croit M. Greenwood. Car en augmentant les tarifs, Uber attire davantage de chauffeurs... qui peuvent transporter davantage de buveurs.

«S'ils ne faisaient pas ça, on peut penser que bien des clients ne trouveraient pas de taxi et finiraient pas conduire eux-mêmes», dit-il.

L'étude a été présentée dans plusieurs congrès scientifiques et est en cours de révision par des pairs pour une éventuelle publication.