La pratique consistant à payer pour jeter ses déchets fait une première percée dans la région de Montréal. À partir de janvier prochain, les citoyens de Beaconsfield devront payer en fonction de la quantité d'ordures qu'ils produisent et de la fréquence à laquelle ils les mettent à la rue. La municipalité espère ainsi réduire de moitié la quantité de déchets qui prennent le chemin du dépotoir.

Beaconsfield annoncera officiellement lundi qu'elle introduit la tarification incitative. Répandue en Europe et aux États-Unis, cette pratique est encore peu implantée au Québec, où les coûts de gestion des déchets sont souvent intégrés dans les taxes municipales. Ainsi, plutôt que de se voir facturer 176$ par logement, les citoyens de Beaconsfield paieront à partir du 1er janvier prochain selon la quantité d'ordures qu'ils produisent ainsi que la fréquence à laquelle ils les mettent à la rue. Les citoyens seront ainsi encouragés à mieux trier leurs matières résiduelles et à recourir davantage au recyclage, au compostage ou à la collecte des matières organiques.

Pour y arriver, la municipalité cessera de ramasser les bons vieux sacs-poubelle et distribuera à partir de novembre des bacs gris équipés de transpondeurs. Ces dispositifs permettront d'enregistrer le nombre de fois où les camions à ordures enlèvent des déchets à chaque adresse. Les citoyens devront payer une somme sur leur avis d'imposition qu'ils reçoivent au début de l'année selon la grosseur du bac choisi. Puis, à la fin de l'année, ils recevront une facture (en même temps que celle de l'eau) qui variera selon le nombre de fois où le camion à ordures aura enlevé leurs déchets. Le poids des déchets n'entrera pas en ligne de compte dans la solution retenue par Beaconsfield pour la facturation.

La tarification variera en fonction de la taille des bacs. Plus il sera petit, moins il coûtera cher par an, et moins chaque levée sera chère.

Trois scénarios

Trois scénarios sont envisagés pour les citoyens de Beaconsfield:

1. 150$ pour les petits jeteurs. Pour réduire leur facture au minimum, les Beaconsfielders devront adopter le bac de 120 litres et le mettre à la rue seulement une fois par mois. Pour y arriver, les citoyens devront se limiter à jeter l'équivalent de 60 sacs-poubelle de cuisine standards en un an...

2. 176$ pour la famille moyenne. Scénario le plus probable. Beaconsfield s'attend à ce que la majorité de ses citoyens optent pour des bacs de 240 litres qu'ils mettront à la rue 75% du temps. Les gens pourront ainsi jeter l'équivalent de 260 sacs-poubelle de cuisine standards.

3. 208$ pour les grands jeteurs. En vertu du nouveau système, les habitants de Beaconsfield pourraient payer jusqu'à 208$ par an s'ils se dotent d'un bac de 360 litres et le mettent à la rue chaque semaine. À ce prix, les citoyens pourraient éliminer jusqu'à 18 000 litres de déchets, soit 780 sacs de cuisine standards.

Vers une tarification variable

Le directeur des travaux publics de Beaconsfield, Andrew Duffield, le reconnaît, la tarification adoptée par la municipalité est «conservatrice» pour le moment. Les citoyens peuvent s'attendre à économiser jusqu'à 26$ par an s'ils réduisent au minimum leurs déchets ou, au pis, à payer jusqu'à 32$ de plus. Beaconsfield pourrait toutefois moduler ses tarifs pour encourager ses citoyens à modifier leur comportement. Certaines villes d'Europe préfèrent réduire le nombre de levées dans les secteurs éloignés et encouragent les gens à choisir des bacs plus grands. À l'inverse, dans les secteurs denses, comme dans les centres-villes, la tarification encourage au contraire les citoyens à se doter de bacs plus petits, mais à les mettre à la rue plus souvent.

Beaconsfield se dit optimiste après avoir constaté une chute de près du tiers des déchets produits par 253 familles qui s'étaient portées volontaires lors d'un projet-pilote. En 2014, celles-ci ont expérimenté les nouveaux bacs et déjà leurs habitudes ont changé. «Sans incitatif financier, avec seulement de la sensibilisation, ça a été concluant. Alors on est convaincus qu'avec la tarification incitative, la communauté de Beaconsfield va être capable de réaliser d'importants gains», dit Andrew Duffield, directeur des travaux publics.

Débuts prometteurs

La stratégie de Beaconsfield annoncée en 2014 pour réduire la quantité de déchets envoyés au dépotoir a d'ailleurs déjà commencé à porter ses fruits, la municipalité ayant observé une baisse de 35% par rapport à 2013. L'augmentation des collectes de résidus organiques a permis de réduire de façon importante le tonnage des ordures depuis. Avec l'introduction de la tarification incitative, Beaconsfield vise une réduction de 50% de la quantité d'ordures produites.

Déchets produits par habitant à Beaconsfield

> 2013: 370 kg

> 2014: 335 kg

> 2015*: 239 kg

> Objectif: 185 kg

* Pour les 5 premiers mois de 2015

Note: Moyenne montréalaise en 2013: 289 kg par habitant