Parmi la musique, les voitures et les festivaliers réunis sur les rues Peel et Crescent à Montréal à l'occasion du Grand Prix du Canada, une cinquantaine de femmes rassemblées derrière une banderole noire sur laquelle il était inscrit «F1 de l'exploitation sexuelle» ont tenté de se faire entendre, samedi après-midi, devant les regards intrigués et amusés des festivaliers.

«Crions plus fort, sinon les femmes, on nous ignore», a scandé le groupe tout en marchant sur la rue Maisonneuve. Aux festivaliers qui prenaient des égoportraits devant la banderole ou aux passants curieux, une manifestante leur remettait un tract où l'on pouvait y lire les mots d'une écrivaine militante abolitionniste, Rebbecca Mott. «La plupart des femmes et des jeunes filles prostituées sont violées par des centaines ou des milliers d'hommes».

Malgré le tintamarre ambiant, le groupe a réussi à capter l'attention de certains, mais peu semblaient réceptifs. «Je suis d'accord avec l'exploitation sexuelle», a lancé un jeune festivalier au coin de Peel. «Ce n'est pas de l'exploitation, ces femmes sont payées pour leur travail», a enchaîné une jeune femme. Les manifestantes ont continué à marcher et à distribuer des tracts sans qu'aucune tension ne vienne assombrir l'événement. La présence policière se faisait d'ailleurs discrète, seule une voiture du SPVM fermait le cortège.

Quelques instants plus tôt, la cinquantaine de femmes et quelques hommes s'étaient donné rendez-vous à 15 heures au square Philipps, à l'invitation du Collectif d'aide aux femmes exploitées sexuellement (CAFES).

«Il doit y avoir davantage de ressources offertes pour les femmes qui vivent les conséquences de l'exploitation sexuelle et ces ressources doivent être encore plus visibles pendant le Grand Prix », a expliqué Shanie Roy, porte-parole du Collectif et ancienne escorte.

Dans les jours qui suivent le Grand Prix, le Collectif dit recevoir un nombre d'appel un peu plus élevé qu'à l'habitude de femmes travaillant dans l'industrie du sexe.

Rose Sullivan, présidente du Collectif, a vécu plusieurs Grands Prix en tant qu'escorte indépendante. « À l'approche de la F1, je recevais davantage de pression des pimps pour travailler pour eux, et les clients viennent de loin alors ils s'en permettent plus et sont plus irrespectueux», a-t-elle expliqué.

Véronique Lamarre-Tremblay tenait à participer à la manifestation avec son fils de 8 ans, Sacha.

«Les jeunes d'aujourd'hui sont très tôt en contact avec des images de femmes-objets et mon fils sera amené un jour à faire des choix alors je trouvais important qu'il soit conscientisé au fait que l'exploitation sexuelle n'est pas qu'une simple activité économique comme une autre», a-t-elle souligné.

Du haut de ses 8 ans, Sacha semblait avoir bien compris le sujet. « J'ai surtout remarqué qu'il y en avait beaucoup [d'image de femme-objet] dans les vidéos de chansons sur YouTube ».