La tendance se maintient. Depuis les années 50, aucun directeur n'a terminé plus d'un mandat à la tête de la police de Montréal. Le chef actuel, Marc Parent, n'entend pas battre de record. Il partira relever de «nouveaux défis» dès septembre, dans un emploi où il ne sera plus constamment sur la sellette.

M. Parent l'a confirmé à ses troupes hier: il quittera ses fonctions à la fin de son mandat de cinq ans comme directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). «J'avais pris un engagement pour cinq ans et je ne voulais pas entamer un autre mandat sans savoir si je le terminerais. La relève est prête. Il fallait choisir le bon moment pour une transition, et ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu d'accalmie. Je ne voulais pas partir dans une période trop tumultueuse», a-t-il expliqué en entrevue avec La Presse.

Cinq ans en poste, c'est déjà plus que de nombreux prédécesseurs, qui ne s'étaient même pas rendus au terme de leur mandat dans ce poste notoirement difficile.

Une exception, toutefois. Michel Sarrazin a occupé le fauteuil de chef pendant six ans et demi au début des années 2000, la Ville ayant prolongé son premier mandat parce qu'il semblait périlleux de perdre le chef au beau milieu d'une réforme de la police de quartier.

Yvan Delorme, le prédécesseur de Marc Parent, avait quant à lui vu ses fonctions prolongées pour un second mandat après cinq ans, mais avait finalement démissionné dans la controverse au bout de quelques mois.

Marc Parent nie avoir des problèmes avec le maire Denis Coderre ou le directeur général de la Ville, Alain Marcoux, malgré les tensions dont ont fait état certaines sources, hier. «Mes relations étaient excellentes», assure-t-il.

Ni politicien ni sous-ministre

Il a déjà une entente avec un nouvel employeur pour la suite des choses. Il sait où il s'en va. Mais il refuse de le dire, pour que rien ne vienne gêner avec ses derniers mois à la tête du corps policier. Chose certaine, il continuera d'habiter à Montréal, dit-il. Et il ne se lancera pas en politique, comme l'ont fait plusieurs anciens chefs de police.

«Ça, ça n'arrivera pas. Il y a des gens qui ont de bien meilleures aptitudes que moi pour ça», dit-il.

Il tient aussi à faire taire une rumeur qui l'envoyait dans un poste de sous-ministre. «Écrivez-le, parce que je parlais justement au sous-ministre à Québec, ce matin, et je ne veux pas qu'il pense que j'essaye de voler sa job!», lance-t-il en riant.

Une source a confié à La Presse que M. Parent avait été recruté par une entreprise privée de plus de 2000 employés, mais le principal intéressé refuse de confirmer ou infirmer cette information.

Il admet toutefois que ses nouvelles fonctions lui permettront de ne plus être constamment sur la sellette, comme il l'est aujourd'hui, que ce soit en raison des moyens de pression de ses employés, de la gestion des manifestations, des quotas de contraventions ou des morts très médiatisées survenues au cours d'opérations policières.

«C'est un poids à porter. Tu veux la sécurité de tes citoyens, mais de ton personnel également. Il y a eu quelques cas de citoyens morts lors d'interventions policières, ça peut être lourd à porter. Et il y a une grosse pression avec les médias aussi», dit-il.

Un bilan, trois chantiers

Il se dit satisfait de son bilan et énumère de nombreuses réalisations dont il est fier, comme la lutte contre le profilage racial, l'un de ses chevaux de bataille à son arrivée en poste. Il connaît pertinemment la teneur des critiques dont son organisation fait l'objet dans le public, mais il relativise en observant les résultats du dernier sondage de satisfaction de la population effectué par une firme embauchée par le SPVM pour usage interne.

Selon la direction du service, le dernier coup de sonde démontrait que 78% des Montréalais seraient généralement satisfaits du travail du corps policier.

Qu'ils soient positifs ou négatifs, Marc Parent s'est toujours targué d'être à l'écoute des commentaires du public, même si «ce n'est pas toujours naturel, dans une organisation paramilitaire, l'humilité et la remise en question».

«Quand je marche dans le centre-ville, les personnes itinérantes savent qui je suis et elles viennent toutes jaser avec moi. Elles ont des messages à me transmettre ou des commentaires», raconte-t-il.

Sans parler de bilan inachevé, il relève trois chantiers auxquels son organisation doit encore s'attaquer pour hausser son degré de «maturité»: la lutte comme le terrorisme, la cybercriminalité et, enfin, la gestion des «mouvements sociaux, comme les manifestations étudiantes, mais aussi d'autres mouvances comme le mouvement Occupy», dit-il.

- Avec la collaboration de Denis Lessard

Les successeurs potentiels

D'ici septembre, Montréal devra avoir trouvé un nouveau chef de police. Petit aperçu des successeurs potentiels de Marc Parent.

Hélène Charron, Assistante-directrice, Région Nord

Ses qualités de gestionnaire sont reconnues. Même si Mme Charron dit à qui veut l'entendre qu'elle ne sera pas candidate, sa nomination ferait d'elle la première femme de l'histoire à la tête de la police de Montréal, ce qui rejaillirait assurément sur l'administration municipale. Elle pourrait à tout le moins assurer un intérim, nous dit-on.

Fadi Dagher, Assistant-directeur, quartier général

Responsable notamment de la planification opérationnelle, la transformation organisationnelle et les relations avec la communauté. Il est considéré comme le dauphin de Marc Parent. Sa nomination à titre de premier membre des communautés culturelles à la tête du SPVM pourrait être un atout. Il a au moins un appui politique important à Montréal.

Bernard Lamothe, Assistant-directeur, enquêtes spécialisées

Responsable de toutes les sections d'enquêtes spécialisées du SPVM. Nos sources nous disent que l'homme fort de la Place Versailles sera sûrement tenté d'entrer dans la course. Décrit comme un policier compétent et un travailleur infatigable, il devra toutefois améliorer ses relations humaines, selon ses collègues.

Claude Bussière, Assistant-directeur, soutien aux opérations

Responsable des unités de soutien et équipements. Même s'il n'aspire peut-être pas à occuper le poste, nos sources voient en lui l'un des candidats potentiels ayant le plus d'expérience. Il est décrit comme un homme effacé mais apprécié de tous et très compétent. Il pourrait lui aussi minimalement assurer un hypothétique intérim.

- Daniel Renaud