Interpellé par les vidéos d'arrestations musclées circulant sur Internet, le maire Denis Coderre s'est montré favorable à l'idée d'équiper les policiers montréalais de caméras pour avoir «les deux côtés de la médaille».

Lors de la rencontre hebdomadaire du comité exécutif de ce mercredi matin, le maire a dit que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) devait «songer sérieusement» à l'utilisation des caméras pour ses agents. Cette pratique est répandue aux États-Unis, mais encore peu développée au nord de la frontière.

«Dans un monde où tout est filmé, pourquoi ça ne pourrait pas être envisageable ?», s'est interrogé le maire. Denis Coderre a dit vouloir s'impliquer dans ce débat à la suite de l'apparition de vidéos sur Internet montrant un Montréalais se faire frapper au visage lors de son arrestation par un groupe de policiers. «S'il y a des films partout et on n'a pas les 2 côtés de la médaille, il faudrait y penser», a-t-il commenté.

Avant d'aller de l'avant avec l'achat de caméras, le maire a dit attendre les résultats d'une évaluation que le SPVM fait présentement sur le sujet. Il prévoit ensuite tenir un débat avec les élus montréalais.

Le maire a par ailleurs dit ne pas vouloir commenter directement ce qu'il a qualifié d'«arrestation musclée» d'un manifestant le 1er mai puisqu'une plainte en déontologie a été formulée. Il a toutefois tenu à «réitérer [son] soutien aux policiers».

«Le 1er mai, il faut faire la distinction entre la manifestation pour les travailleurs, où il n'y a pas eu de problèmes, et celle du soir [organisée par la CLAC]. Il faut faire la distinction entre casseurs et travailleurs. Il ne faut pas généraliser», a dit Denis Coderre. Pour lui, il n'y a aucun doute que la manifestation organisée le soir du 1er mai visait avant tout à «faire de la casse», comme en témoignent les cinq policiers blessés.

Appui conditionnel de l'opposition

L'opposition à l'hôtel de ville s'est montrée ouverte à l'idée d'équiper les policiers montréalais de caméras, à condition que l'enregistrement se fasse en continu et que les images soient accessibles aux citoyens portant plainte en déontologie.

Projet Montréal estime en effet impératif que les agents ne puissent désactiver les caméras à leur guise, comme ceux-ci le réclament. «Il ne faut pas que l'enregistrement soit à la discrétion du policier. Si quelqu'un l'agresse, il aura la preuve, mais il faut aussi que ce soit un frein à ce que le policier agresse quelqu'un», a plaidé François Limoges, porte-parole de Projet Montréal en matière de sécurité publique.

Permettre aux policiers de décider quand ils enregistrent reviendrait à permettre aux agents de cacher leur matricule pendant leurs interventions, estime François Limoges.

L'élu estime que l'ajout de caméras viendrait aider les agents qui sont ciblés par des plaintes. Les vidéos filmés par les témoins d'arrestations musclées n'enregistrent souvent qu'une partie des incidents. «On n'a peut-être pas vu que le policier a agi de façon exemplaire pendant 45 minutes avant que ça dérape. Mais sur les vidéos, on voit juste ça.»

François Limoges ajoute que les images devraient être accessibles aux citoyens portant plainte en déontologie afin que celles-ci ne soient pas perçues comme un simple outil pour disculper les agents. Les caméras devraient également être perçues comme des outils pour protéger les citoyens d'abus policiers, poursuit l'élu.

Au-delà du débat sur les caméras, François Limoges estime qu'une instance indépendante devrait se pencher sur le climat de confrontation qui s'est installé entre les policiers et les manifestants. «Ça devient dangereux. Oui, il y a eu la commission, puis le rapport Ménard, mais il a été tabletté. Clairement, il y a une escalade des tensions. C'est palpable.»