Robert Poëti doit déposer aujourd'hui au Conseil des ministres son projet de réforme de la gouvernance des transports dans le Grand-Montréal. Le ministre des Transports a en poche un appui unanime des maires de la Communauté métropolitaine de Montréal et de l'Association québécoise du transport intermunicipal et municipal, bien que «de nombreux fils restent à attacher».

Par contre, selon des sources, des discussions confidentielles qui ont eu lieu au comité des priorités du gouvernement ont fait ressortir certains points faibles de la réforme, qui vise à remplacer l'Agence métropolitaine de transport (AMT) par une «Autorité régionale des transports» (ART).

On souligne que la présence de maires sur le conseil d'administration de l'ART, contrôlée par une majorité de membres de la CMM, peut mener à des déchirements.

La nouvelle structure, observait-on également au comité, comporterait d'autres désavantages: sans leviers sur la demande, elle ne pourra que bonifier son offre de service et n'aura qu'un effet limité sur la congestion. Le développement du réseau routier et le transport en commun resteront dans leurs silos actuels.

Pire encore, ils pourraient travailler en opposition - on favoriserait l'expansion du réseau routier pour favoriser l'auto tandis qu'on veut favoriser les transports en commun, bien que le comité Mobilité Montréal pourrait contribuer à harmoniser les routes et le transport en commun.

Le procès de l'AMT

Hier, à l'Assemblée nationale, le ministre Poëti a ouvert son jeu: le but de la réforme est de simplifier un réseau où cohabitent actuellement 535 tarifs, ou «titres tarifaires», dans la même région, sans guichet unique ni même de centre d'information pour les clients.

Dans les coulisses, on prédit déjà le procès de l'AMT aujourd'hui. Son Plan d'aménagement, d'une valeur de 23 milliards de dollars, n'est qu'une liste de projets réclamés par les municipalités, sans qu'on se soit donné la peine de les hiérarchiser. Le Vérificateur général du Québec a, à trois reprises, souligné l'absence de cohérence de l'organisme. Depuis 2011, une réflexion est amorcée au ministère des Transports sur la pertinence de l'AMT. Illustration du manque de cohésion: depuis 2012, les élus de la CMM n'ont pu arriver à une entente sur le partage des 50 millions résultant de la surtaxe sur l'essence, indique-t-on dans les coulisses.

À l'Assemblée nationale, en réponse aux questions du député caquiste de Groulx Claude Surprenant, M. Poëti a relevé «que 40% du budget alloué pour les transports collectifs était laissé sur la table, non utilisé par les intervenants. On ne parle pas d'augmenter les taxes, on parle de faire mieux avec ce qu'on a». Selon les chiffres de Transports Québec, c'est en moyenne 400 millions par année que les municipalités ne parviennent pas à dépenser parce que les projets n'avancent pas assez vite à l'intérieur d'une année. Les sommes sont rendues au fonds de financement des infrastructures de transport. Pas de plan pour imposer de nouvelles taxes, assure toutefois le ministre Poëti, moins limpide toutefois quand le député caquiste a abordé la question des tarifs.

Le mandat de l'ART

À l'instigation du maire de Montréal Denis Coderre, semble-t-il, l'ART sera la seule autorité «organisatrice de transport». Sur le plan politique, Québec et les élus de la CMM définiront les orientations, l'approche stratégique et l'organisation des transports en commun. L'ART aura un mandat stratégique, par exemple pour les politiques tarifaires. Finalement, avec des responsabilités opérationnelles, l'organisme assurera l'entretien des équipements et du réseau d'infrastructures.

Comme il s'agira d'une société supramunicipale et non d'une «agence» du gouvernement du Québec, en ce qui concerne les règles quant à la formation du conseil d'administration, pas de tiraillages autour des membres «experts», «indépendants» ou associés aux municipalités. Le conseil sera composé de 13 membres, dont 7 experts désignés par Québec, incluant le président. Les six autres seront choisis par la CMM, et au moins deux d'entre eux devront se qualifier comme experts.

Les sociétés de transports en commun seront ramenées à un rôle d'exploitant à forfait en contrat avec l'ART. Elles resteront des organismes paramunicipaux, une organisation qui assurera que planification et exploitation restent différenciées.

Les trains, les express et les services sur les Centres interurbains de transports seront exploités par une unité opérationnelle distincte.