Des propriétaires d'entreprises craignent de tout perdre si la Ville de Montréal va de l'avant avec son projet d'aménager un centre de compostage dans Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT), appréhendant d'importants problèmes d'odeurs.

Les élus montréalais sont appelés à voter ce soir, lors du conseil municipal, pour autoriser ce projet de centre de compostage qui doit voir le jour à l'intersection de l'autoroute 40 et du boulevard Saint-Jean-Baptiste. Jacques Beaudry et Martin Dubois, propriétaires d'entreprises voisines du terrain ciblé pour la construction, estiment que Montréal va trop vite en donnant le feu vert au projet un mois à peine après le dépôt du rapport sur la consultation publique, menée l'automne dernier.

Le rapport mettait en effet de l'avant certaines conditions pour rendre le projet acceptable, notamment la mise en place des mesures pour évaluer et contrôler les risques industriels pour l'environnement. Or, Jacques Beaudry, dont l'entreprise Beaudry&Cadrin est voisine du futur centre, se dit loin d'être rassuré.

«On me demande de faire confiance, que ça ne sentira pas, mais je regarde l'expérience d'autres centres de compostage et ç'a été l'enfer pour les voisins. Et ce l'est encore», dit M. Beaudry.

L'homme d'affaires précise que son entreprise, un centre de distribution alimentaire, ne peut se permettre d'être aux prises avec des problèmes d'odeurs. «Je vends des produits excessivement sensibles à l'odeur. Si l'odeur devient trop forte, mes produits vont sentir. Et si mes produits deviennent inconsommables, ma réputation est finie», précise Jacques Beaudry, dont l'entreprise emploie 240 personnes.

Une expertise a d'ailleurs été commandée à la firme de génie Golder Associés; après analyse des données de la Ville de Montréal, celle-ci conclut que Beaudry&Cadrin risque de vivre des problèmes d'odeurs.

Projets bloqués

Pour Martin Dubois, président de Rampa Construction, l'annonce du centre de compostage a carrément bloqué ses projets immobiliers. Son entreprise projetait de mettre en valeur un terrain vacant pour y aménager trois concessionnaires automobiles et un hôtel, un projet de 44 millions devant générer 210 emplois.

Le projet qu'il négociait depuis trois ans avec l'arrondissement de RDP-PAT pourrait toutefois ne pas voir le jour, puisque le ministère de l'Environnement restreint les usages dans un rayon de 500 mètres du centre de compostage. Les projets résidentiels et commerciaux sont en effet exclus. «Mon terrain ne vaut plus rien si je ne peux plus rien y construire», se désole Martin Dubois.

Le promoteur assure être favorable à l'ouverture d'un centre de compostage dans RDP-PAT, mais estime que celui-ci devrait être situé plus à l'ouest, près du centre de biométhanisation qui doit aussi être construit. «Pourquoi ne pas mettre ça sur le même site? C'est illogique. Tu viens bloquer tout le développement sur des terrains de premier plan, en bordure de l'autoroute 40», ajoute M. Dubois.

Ce projet de centre de compostage a reçu un accueil froid depuis son annonce, il y a quelques années. Il devait être situé au départ à Dorval, mais cette proposition avait été refusée par Aéroports de Montréal.

Devant cet échec, la Ville s'était tournée vers le complexe environnemental Saint-Michel. Mais peu après son arrivée à la mairie, Denis Coderre avait toutefois annulé ce projet. Montréal s'était finalement tourné vers Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

Jacques Beaudry et Martin Dubois disent avoir tenté de rencontrer le maire Coderre depuis trois mois, sans succès.

«On veut une discussion éclairée avec lui sur les impacts du projet», dit Martin Dubois.

En attendant, atterrés par la décision de la Ville, les deux entrepreneurs comptent demander une révision à la baisse de leurs impôts fonciers pour refléter la valeur à la baisse de leurs propriétés.

Et pourquoi ne pas déménager? «Je n'ai pas les moyens de perdre entre 5 et 8 millions», dit Jacques Beaudry. Il est d'autant plus indigné par cette éventualité que c'est la Ville de Montréal qui lui avait vendu ce terrain, il y a 10 ans, pour qu'il y installe son centre de distribution.