En oubliant certaines soumissions dans un tiroir de bureau au moment d'attribuer un contrat public, les fonctionnaires de la Ville de Montréal ont prouvé leur «désinvolture», leur «négligence» et leur «insouciance».

C'est la critique cinglante émise par la Cour du Québec en condamnant la Ville, tenue responsable pour son arrondissement de Montréal-Nord, à indemniser une entreprise lésée par un appel d'offres raté.

À l'époque des faits, en 2012, la Ville n'avait pas de «système normal et adéquat en place pour gérer de manière crédible et sérieuse» les appels d'offres, selon le juge Jeffrey Edwards.

Le magistrat a tranché en faveur du Groupe VPR, qui avait remporté le contrat avant qu'il lui soit retiré après l'ouverture de soumissions oubliées par les fonctionnaires. La Cour d'appel vient tout juste, plus tôt en décembre, de refuser d'entendre la contestation de son jugement.

À la fin du mois de juin 2012, un contrat d'éclairage pour une patinoire a été accordé à VPR, qui avait la plus basse des deux soumissions déposées à l'endroit habituel par les fonctionnaires de l'arrondissement de Montréal-Nord. Le 4 juillet, les élus locaux ont voté l'attribution du contrat à VPR pour 85 000$.

Mais deux jours plus tard, un fonctionnaire a retrouvé deux autres soumissions destinées à ce même appel d'offres dans le tiroir du bureau d'une collègue absente. Le plus bas soumissionnaire des quatre s'y trouvait. Le contrat a été retiré à VPR, pour être donné à ce plus bas soumissionnaire.

Le juge Edwards a été estomaqué par le manque de sérieux de la Ville dans sa gestion des appels d'offres.

«Les conditions minimales d'intégrité» du processus «ne sont pas satisfaites», ce qui met en danger la «confiance du public» envers le système. «La gestion négligente, ou plus exactement l'absence de gestion de cet appel d'offres» constitue une «faute lourde», a tranché le juge.

Il a accordé 7000$ de dédommagement à VPR et a établi que la soumission découverte sur le tard n'aurait pas dû être considérée.

«Ça n'aurait jamais dû se produire»

La Ville de Montréal reconnaît avoir commis une gaffe majeure, mais assure qu'elle a amélioré ses processus de gestion depuis 2012.

«Au moment où ça s'est produit, la greffière de l'arrondissement - qui accueille ces soumissions - prenait des vacances», a indiqué Michel Lemay, porte-parole de l'arrondissement de Montréal-Nord. C'est sûr que c'était une erreur, inacceptable à certains égards. Ça n'aurait jamais dû se produire.»

«Il y a une nouvelle procédure qui est en place. Elle est beaucoup plus systématique, très nette, très claire. Ça ne s'est jamais produit depuis et je suis certain que ça ne se reproduira pas», a-t-il ajouté.

Surtout, Montréal se félicite de la demi-victoire en Cour d'appel. Le tribunal a refusé d'entendre l'appel de la Ville, mais a souligné du même souffle que les fonctionnaires ont réalisé l'erreur, qu'ils ont eu «vraisemblablement raison» de prendre en compte les soumissions retrouvées sur le tard. «La juge Savard donne à toutes fins pratiques raison à la Ville», a avancé M. Lemay.

Du côté de VPR, on se dit satisfait de la dureté des termes utilisés dans le jugement de la Cour du Québec.

L'entreprise a poursuivi «pour le principe et pour établir un peu le droit dans ce domaine», a indiqué l'avocat Philippe Canning. «Je trouvais ça un peu éhonté que la Ville ne soit pas organisée et qu'elle soit toujours exonérée.»