Mener une consultation publique s'apparente-t-il à organiser un déménagement? Le classement «anormal» d'un appel d'offres de la Ville de Montréal déjà dans la ligne de mire de l'inspecteur général soulève des inquiétudes au sein de l'opposition.

La Presse a révélé en mai que la seule firme ayant déposé une soumission pour organiser la consultation publique sur l'avenir de la rue Sainte-Catherine Ouest avait contribué à la préparation de l'appel d'offres. Le contrat accordé à Acertys fait depuis l'objet d'une enquête du Bureau de l'inspecteur général, un concurrent ayant dénoncé ce qu'il considère comme un appel d'offres dirigé.

Projet Montréal s'inquiète maintenant de constater une «anomalie» dans la préparation de l'appel d'offres. La Ville de Montréal a en effet classé le projet dans la catégorie des «services de transport, de voyage et de déménagement», catégorie généralement réservée aux projets destinés à des transporteurs, des déménageurs ou des agences de voyages.

Tous les appels d'offres publics québécois doivent passer par une plateforme électronique, SEAO. Pour faciliter la tâche aux entreprises qui souhaitent décrocher des mandats, les projets y sont classés en une soixantaine de catégories. Les fournisseurs peuvent ainsi recevoir un avis automatiquement lorsqu'un appel d'offres est lancé dans leur domaine d'expertise. Les responsables du système précisent que les organismes publics sont responsables de bien classer leurs projets, aucune vérification n'étant faite.

«J'essaie de trouver un lien entre la consultation sur Sainte-Catherine et un déménagement, mais je n'en vois pas. Ça ressemble à une tentative de cacher l'appel d'offres pour qu'il n'y ait pas plus d'un soumissionnaire», dit Marc-André Gadoury, élu de Projet Montréal.

Une firme a d'ailleurs indiqué à La Presse qu'elle n'a jamais trouvé l'appel d'offres dans le site électronique SEAO. C'est un concurrent qui, par solidarité, lui a transmis des documents. «C'est un petit milieu avec beaucoup de firmes, alors l'information a fini par circuler», a indiqué cette personne, qui a préféré garder l'anonymat.

En tout, 12 firmes se sont procuré les documents d'appel d'offres, mais une seule a soumis une proposition, Acertys, qui a ainsi décroché le contrat pour 267 000$. Les documents soumis aux élus ne précisent pas si la Ville a cherché à découvrir pourquoi autant d'entreprises se sont désistées - ce qu'elle fait normalement pour les projets de construction. On y précise seulement avoir vérifié, avant de lancer le processus, qu'«un nombre suffisant de firmes répondaient aux exigences de l'appel d'offres, ce qui permettait une saine compétition».

«On doit annuler le contrat», tranche maintenant Marc-André Gadoury. Projet Montréal estime que la consultation aurait plutôt dû être confiée à l'Office de consultation publique de Montréal, dont le travail est justement de mener de tels exercices. Il souligne que les commissaires ont récemment réalisé une importante consultation sur le centre-ville et connaissent donc déjà bien le secteur.

Au moment d'écrire ces lignes, la Ville de Montréal n'avait pas été en mesure d'expliquer à La Presse pourquoi cet appel d'offres avait ainsi été catégorisé. Impossible, par conséquent, de savoir pourquoi il n'a pas été classé parmi les «services de soutien professionnel», où se retrouvent habituellement les projets de consultation publique.

Nos vérifications démontrent que la Ville de Montréal a lancé, depuis un an, 18 appels d'offres pour des «services de transport, de voyage et de déménagement». La consultation publique sur l'avenir de la rue Sainte-Catherine détonne grandement parmi les projets de camionnage de terre, de location d'autobus scolaires, de distribution de bacs de recyclage, d'organisation de voyages d'affaires, de services de messagerie ou de transport de la neige.

- Avec Kathleen Lévesque