Un policier a menacé plusieurs cyclistes de leur donner une contravention pour avoir roulé sur la chaussée de la rue Saint-Denis sous le viaduc des Carrières, là où une cycliste est morte en avril dernier. Les cyclistes sont repartis, plus confus que jamais, avec une contravention de 42$ pour réflecteur absent. Policier zélé? Erreur d'interprétation? Pas si facile de s'y retrouver.

À l'origine de cette confusion: les panneaux installés en mai aux abords de certains ponts d'étagement (viaducs) à Montréal après la mort de Mathilde Blais. La Ville avait expliqué que cette signalisation permettait aux cyclistes qui le souhaitent d'utiliser le trottoir. Un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en avait toutefois sa propre interprétation.

Selon différents témoins, au moins quatre cyclistes ont été interpellés mercredi à la sortie du viaduc des Carrières. «Le policier m'a dit: «Je vous arrête pour être passé dans la rue et non pas sur le trottoir», a expliqué à La Presse Simon Reny. Je me suis obstiné, car je trouvais que ça n'avait pas de bon sens!» Le policier lui a alors expliqué qu'il s'exposait à une amende de 162$, mais qu'il allait plutôt lui donner une contravention de 42$ pour ne pas avoir de réflecteur avant. «J'ai arrêté de m'obstiner, je n'avais pas envie de payer plus cher», dit-il. Lorsqu'il est parti, le policier avait une nouvelle cycliste dans son collimateur.

Un employé de La Presse qui circulait dans la rue a vécu la même situation, mercredi. Là encore, le policier a brandi la menace d'une contravention de 162$. Comme tous ses réflecteurs étaient en bon état, il n'a pas eu d'amende. Notre collègue a lui aussi été témoin d'une interpellation qui s'est terminée par une contravention.

«L'initiative visait la sécurité des cyclistes», explique Nathalie Valois, responsable de la sécurité à vélo au SPVM. L'agent croyait qu'il devait distribuer aux cyclistes les contraventions de 162$ prévues pour les automobilistes qui ne respectent pas la signalisation. Mais, explique le SPVM, il jugeait ce montant trop élevé et a donc usé de son pouvoir discrétionnaire en se rabattant sur les réflecteurs.

Cette pratique est courante chez les policiers. Par exemple, un cycliste qui brûle un feu rouge est passible d'une amende de 42$ et de trois points d'inaptitude. «Parfois, les policiers ne donnent pas de constat pour le feu rouge, mais pour non-respect de la signalisation ou pour un réflecteur absent, afin de leur éviter les points d'inaptitude», explique Mme Valois.

Légal ou non ?

Mais alors, rouler sur la chaussée... illégal ou non en présence du panneau vélo-piéton? «L'interprétation du policier était erronée», reconnaît Mme Valois. Le policier et son superviseur ont été avisés hier de l'erreur.

«Ceux qui le souhaitent peuvent continuer à rouler sur la chaussée», a précisé Aref Salem, responsable du transport au comité exécutif de la Ville de Montréal, hier.

Incident clos? Pas tout à fait. La Presse s'est tournée vers le ministère du Transport du Québec pour en avoir le coeur net. «L'imposition du trajet par un panneau de prescription comme le P-120-11 revient à interdire la circulation sur la chaussée, puisque le trottoir leur est signalé comme trajet obligatoire pour cyclistes et piétons», tranche Stephan Boivin, relationniste au MTQ. Il précise toutefois que les normes relèvent du MTQ, mais que l'application de la loi se fait par le corps policier.

Une conseillère se fait avertir

La conseillère d'arrondissement du district Jeanne-Mance de Projet Montréal Christine Gosselin s'est elle-même fait avertir par des policiers il y a trois semaines sous le viaduc des Carrières qu'il serait plus prudent de rouler sur le trottoir. «Je leur ai fait valoir que j'étais de plein droit sur la chaussée. [...] Ça m'a un peu ébranlée et [je me suis même sentie] intimidée», explique-t-elle.

Elle a écrit au commandant du secteur en question, qui s'est excusé et lui a confirmé qu'il était permis de rouler sur la chaussée. Il recommandait toutefois d'utiliser le trottoir, lorsque cela est permis.

Projet Montréal déplore que ces avertissements sèment la confusion. «Ce n'est pas une façon de faire de la prévention et de la sensibilisation!», a déploré Marianne Giguère, porte-parole en matière de cyclisme pour Projet Montréal.