La propriétaire d'un immeuble résidentiel de Montréal a eu toute une surprise le week-end dernier en constatant qu'une de ses locataires sous-louait son appartement à des vacanciers grâce au site Airbnb.com. Cette pratique, souvent illégale, serait de plus en plus répandue, selon des associations de propriétaires.

Vendredi, vers l'heure du midi, Manon Letarte Pettas et son mari avaient affaire à leur immeuble résidentiel du boulevard Saint-Laurent, à l'angle de la rue Villeneuve. À leur arrivée, quelque chose clochait: un groupe de jeunes «hurlait» à l'étage et un homme urinait dans la cour.

Manon Letarte Pettas a intercepté un groupe d'environ 8 à 10 jeunes dans la rue. Ils lui ont expliqué qu'ils avaient loué un appartement sur le site Airbnb, une plateforme de location de logements de particuliers. Ils voulaient profiter du festival Osheaga qui battait son plein au parc Jean-Drapeau.

Le groupe de jeunes anglophones a quitté les lieux à la fin du week-end, cédant leur place... à deux jeunes Françaises en visite à Montréal.

«Le pire dans tout ça, c'est qu'on ne sait pas qui entre dans l'appartement comme à l'hôtel», déplore Manon Letarte Pettas, qui tient à la tranquillité des lieux.

Sa fille a repéré l'annonce de la locataire sur le site Airbnb. Elle proposait son six et demi à 170$ par jour ou 4400$ par mois, et ce, depuis juillet. Elle en retirait un profit appréciable: son loyer mensuel est de 1440$.

Mme Letarte Pettas a tenté à plusieurs reprises de la joindre. Lundi matin, la jeune femme l'a finalement rappelée pour lui expliquer qu'elle était en France et qu'elle serait de retour le 17 août. Elle a plus tard retiré son annonce du site Airbnb.

Manon Letarte Pettas et son mari vont jouer de prudence: ils feront changer les serrures de l'appartement pour éviter que d'autres touristes n'y séjournent entre-temps.

«Sur le site, il y a plusieurs logements à louer dans ce secteur. Ça me tentait presque d'imprimer le plan et d'aller coller des affiches sur les portes pour aviser les propriétaires. Dénonçons!», lance la propriétaire, qui réussit malgré tout à rire de sa mésaventure. Sa locataire n'a pas rappelé La Presse hier.

Illégal

Il est permis d'afficher un logement ou une chambre sur des sites internet comme Airbnb. Ce qui est illégal, explique-t-on au ministère du Tourisme, c'est d'exploiter un établissement d'hébergement touristique sans détenir de permis. Concrètement, il faut avoir un permis (et payer des taxes) lorsqu'on héberge des visiteurs pour moins de 31 jours en échange d'argent.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec reçoit de plus en plus d'appels de membres qui découvrent que leur locataire sous-loue à des touristes grâce à des sites comme Airbnb, qui jouissent d'une popularité croissante.

«Des locataires peuvent ainsi payer leur loyer et ramasser de l'argent en plus, dit le directeur des affaires publiques, Hans Brouillette. Vous aurez compris qu'il y a peu de chances que ça se retrouve dans leur déclaration de revenus à la fin de l'année...»

Mais attention: les locataires ne sont pas les seuls à se laisser tenter par l'hôtellerie illégale. Certains propriétaires préfèrent louer à la semaine à fort prix à des touristes plutôt que de signer un bail stable avec un locataire. Récemment, des groupes de défense des locataires ont même accusé les sites comme Airbnb de réduire l'offre de logements abordables.

«Quand on en est rendu là, c'est que les lois ne permettent plus aux propriétaires de trouver leur compte dans le marché locatif traditionnel», croit Hans Brouillette, qui constate un écart grandissant entre les loyers inscrits dans les baux et la valeur marchande des logements.

L'hôtellerie illégale préoccupe aussi l'industrie touristique. En janvier, le ministère du Tourisme a d'ailleurs formé un comité consultatif pour étudier la question des nouvelles formules de location, comme Airbnb. Un rapport est attendu.

Recours devant la Régie

Les propriétaires qui constatent qu'un locataire sous-loue son logement à leur insu ont des recours devant la Régie du logement, explique Me Miriam Morissette, avocate spécialisée en droit locatif.

En vertu du Code civil, le locataire ne peut, en cours de bail, changer la forme ou la destination du bien loué et il ne peut sous-louer un logement sans en aviser le propriétaire et obtenir son autorisation (le propriétaire doit toutefois avoir des «motifs sérieux» de s'opposer à une sous-location). La Régie a déjà résilié des baux pour ces raisons.