La collusion n'aurait pas complètement disparu du portrait à la Ville de Montréal: le vérificateur général soupçonne l'existence d'un partage des contrats de déneigement et de gestion des déchets de la métropole. Informée du danger, la Ville de Montréal dit avoir transmis le dossier à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) ainsi qu'à son nouvel inspecteur général.

Le vérificateur général de Montréal, Jacques Bergeron, a passé en revue les 518 contrats de déneigement attribués par Montréal et ses 19 arrondissements de 2005 à 2013, pour un total de 490 millions. «Les indices de collusion sont nombreux et ils font ressortir de façon plus notable le fait qu'un nombre restreint d'entrepreneurs obtiennent de façon constante et continue des contrats relatifs aux opérations de déneigement», peut-on lire dans son rapport rendu public hier.

Le document en arrive au même constat pour la gestion des déchets, pour laquelle Montréal a attribué 165 contrats de 2005 à 2013, d'une valeur total de 504 millions. «Une poignée d'entrepreneurs obtiennent la presque totalité des contrats», constate le vérificateur au terme de son enquête.

Parmi les indices de collusion dans le secteur des déchets, le vérificateur souligne que «plusieurs arrondissements ont, depuis les neuf dernières années, octroyé l'exclusivité de leurs contrats à un seul entrepreneur», souligne le rapport.

Dans le déneigement, le VG a constaté que 9 entreprises sur les 54 ayant décroché des contrats avec Montréal dominent le marché. Celles-ci ont obtenu plus de la moitié des contrats (53%).

Le vérificateur note que plusieurs arrondissements n'expliquent pas les anomalies constatées dans l'octroi des contrats de déneigement. Ils passent ainsi sous silence les importants écarts de prix, certains soumissionnaires soumettant des prix allant jusqu'à plus de 200% du montant du gagnant de l'appel d'offres.

Malgré ses forts soupçons, le vérificateur général écrit ne pas avoir étudié l'impact de ce possible partage des contrats sur les coûts des contrats. Rappelons que plusieurs témoins de la commission Charbonneau ont évalué à 30% l'augmentation des prix en raison de la collusion. Le coût des contrats a d'ailleurs diminué d'autant depuis que les projecteurs de l'enquête publique sont braqués sur ce secteur.

Mauvais souvenirs

Les constats du vérificateur sont venus rappeler de bien mauvais souvenirs à la métropole qui a été durement ébranlée par les travaux de la commission Charbonneau. «On a vu qu'il y avait un système dans les rues, aqueducs et égouts et, maintenant le vérificateur général soupçonne de la collusion dans le déneigement et la collecte des ordures. C'est très inquiétant», a réagi le conseiller Marvin Rotrand, membre de la Coalition Montréal.

«Le partage des territoires semble flagrant», s'est indigné pour sa part Richard Bergeron, chef de l'opposition. Disant entretenir des soupçons depuis plusieurs années sur le partage de ces contrats, Projet Montréal estime que ce rapport du vérificateur général permettra de «terminer le ménage» entrepris depuis 2009.

Le maire Denis Coderre a dit compter sur l'inspecteur général Denis Gallant pour faire la lumière sur la possible collusion mise en lumière. «Le vérificateur général a levé le drapeau et c'est entre les mains de l'inspecteur général, il a tous les pouvoirs d'agir», a brièvement réagi le Denis Coderre.

Le VG affirme que les risques de collusion existent toujours, malgré la mise en place de mesures supplémentaires dans la foulée de la commission Charbonneau. Pour y mettre un frein, il recommande à la Ville de Montréal de faire une «comparaison des coûts entre les arrondissements et les diverses municipalités limitrophes», autant pour le déneigement que la gestion des déchets.

Cette recommandation conforte le maire Coderre dans la décision de son administration de mener une réorganisation complète du déneigement de la métropole. «On doit avoir une meilleure coordination. La ville intelligente, l'utilisation des technologies, va avoir un impact aussi. On est en mode solution.»