La commission Charbonneau a donné un précieux coup de pouce à la Ville de Montréal dans un domaine tout à fait inattendu: les revenus tirés du stationnement. L'année 2013 a en effet été celle de tous les records, notamment parce que moins de chantiers sont venus éliminer des espaces de stationnement.

C'est l'explication étonnante que donne en entrevue Charles Auger, directeur général de Stationnement de Montréal, la société qui gère depuis 1995 les activités de stationnement public de la métropole. «En 2013, on a enregistré 7% de plus de transactions, plus de fréquentation, parce qu'il y a eu moins de travaux publics.»

Dans la tourmente des révélations sur la collusion et la corruption, la Ville n'a réalisé que 50% des travaux prévus l'an dernier. Les revenus de stationnement, eux, ont grimpé en flèche, passant de 56 à 61 millions seulement pour les parc-omètres. Les redevances versées à la Ville sont passées de 41 à 47 millions. L'année 2014 sera «plus problématique», annonce M. Auger, avec la reprise de nombreux chantiers à Montréal. Le nombre de parcomètres inaccessibles, qu'on doit recouvrir d'une housse indiquant l'interdiction de stationner, est déjà tellement élevé qu'«on manque de capuchons», indique le directeur général.

Application payante

L'autre facteur qui a propulsé les revenus à la hausse, c'est qu'on a fait payer plus d'automobilistes qui occupaient les places de stationnement illégalement. Le «taux de non-paiement» est ainsi passé de 25 à 21%, notamment en collaborant avec le Service de police de la Ville de Montréal pour «cibler les secteurs plus délinquants», dit M. Auger.

Le succès de l'application mobile, à laquelle ont adhéré 300 000 personnes et qui permet de payer son parcomètre à distance, a été lucratif. Ainsi, 25% des transactions sont maintenant effectuées par ce moyen. «Les gens faisaient du gambling quand leur stationnement était échu. Maintenant, ils ont une possibilité de payer et l'utilisent.» Ceci dit, même à 21%, le taux de stationnements illégaux est étonnamment élevé par rapport à la plupart des grandes villes canadiennes. Calgary et Toronto, précise M. Auger, ont des taux «entre 5 et 10%».

Une formule à la BIXI?

Les résultats records de 2013 tombent à point pour Stationnement de Montréal, alors que l'administration Coderre a annoncé à plusieurs reprises son intention de rapatrier ses activités au sein de la Ville. L'organisme est une filiale de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, liée par une lettre d'entente depuis 1995. Depuis sa création, les redevances versées par l'organisme à la Ville sont passées de 6,6 à 47 millions.

Alors que Montréal reçoit en fin de compte 66¢ par dollar dépensé par un automobiliste, ce montant est de 44¢ à Toronto et de 38¢ à Calgary, précise Charles Auger. Il assure cependant ne pas vouloir intervenir dans ce débat essentiellement politique. «Je vais laisser faire l'administration. Est-ce que le modèle actuel est périmé? C'est à eux de décider. Il y a plusieurs modèles de gestion que nous avons documentés.» L'un d'entre eux serait un calque de la formule du BIXI, un organisme à but non lucratif dépendant de la Ville qui gérerait l'ensemble du stationnement, des contraventions à la construction éventuelle de stationnements à étages.

Ce rapatriement fait actuellement l'objet d'une analyse de la Ville, précise par ailleurs le directeur général Alain Marcoux, dans une lettre obtenue par La Presse. En réponse à une question du conseiller Marvin Rotrand, M. Marcoux explique que «les services concernés recueillent actuellement les données requises à l'analyse de ce dossier. Un comité de travail sera mis sur pied afin d'étudier cette question et de faire une recommandation au conseil municipal».

En entrevue, le responsable du dossier au sein l'administration Coderre, Aref Salem, assure que «Stationnement de Montréal va faire partie de la solution», quelle qu'elle soit. «Nous travaillons sur une nouvelle politique du stationnement, il y aura consultation publique et plusieurs types de solutions seront envisagés en temps et lieu. Je veux d'abord avoir une vision globale.»

Cette politique, qui devrait être dévoilée en 2015, permettra de mieux arrimer l'offre et la demande de stationnement à Montréal, indique-t-il. «Ça ne veut pas dire enlever ou ajouter des places, ça dépend des quartiers. Il faut donner la priorité aux gens qui y vivent, aux commerçants, évaluer la pertinence de stationnements étagés.»