Les citoyens habitant près du parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, dans l'est de Montréal, en ont assez. Et 41 fois plutôt qu'une: la surpopulation de chevreuils est telle qu'ils se sont présentés à plusieurs reprises au conseil d'arrondissement, au cours des derniers mois, pour s'en plaindre.

Ils auront l'occasion de proposer leurs solutions le 12 juin prochain, dans le cadre d'un forum annoncé hier par la Ville en point de presse. «Les cerfs de Virginie causent beaucoup de problèmes aux résidants de l'arrondissement, dit Richard Guay, conseiller de la ville de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. Quand ils sortent du parc et viennent grignoter vos arbres et votre jardin, on les trouve moins mignons. Quand vous manquez d'entrer en collision avec un animal, ça devient un problème de sécurité.»

Un recensement mené par hélicoptère en février a permis de dénombrer 41 chevreuils - auxquels s'est ajouté un bébé qu'un employé a vu naître jeudi. En janvier et février seulement, ils sont entrés 15 fois en collision avec une voiture, surtout rue Sherbrooke Est. Depuis octobre 2013, on en a trouvé 18 morts, heurtés par un train, une voiture ou attaqués par des coyotes.

Plus de sous-bois d'ici 25 ans

Cette population de chevreuils représente plus de quatre fois ce qu'un espace de 2,6 km2 comme le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies peut supporter. La régénération de la végétation est pratiquement inexistante et des espèces d'arbre, notamment le cornouiller et le vinaigrier, dont ils sont très friands, sont en voie de disparition.

«L'évaluation faite par les professionnels indique que, si rien n'est fait, le sous-bois va être éliminé d'ici 25 ans», dit Réal Ménard, responsable de l'environnement au sein de l'administration Coderre. «Vu leur nombre effarant, la nourriture est insuffisante, ajoute M. Guay. On a investi pour améliorer le parc, mais on se rend compte qu'ils ont tout bouffé.»

La première intervention de la Ville sera de demander la mise sur pied d'une «unité d'intervention régionale», une table où pourront se coordonner les divers responsables, notamment du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), de l'arrondissement et de la Ville. «Ça doit se faire régionalement, impliquer tous les territoires touchés, du parc Michel-Chartrand, à Longueuil, des Îles-de-Boucherville, de l'île Sainte-Thérèse jusqu'ici», précise M. Ménard.

Déplacer, abattre, stériliser

Même si la consultation publique n'a pas encore eu lieu, la Ville a présenté cinq «options» qui seront soumises aux citoyens. D'autres solutions pourront être ajoutées si elles retiennent l'attention au forum du 12 juin.

La première possibilité serait de déplacer une partie du cheptel, dans un lieu d'accueil que Québec devra déterminer. «Le désavantage, c'est que le taux d'adaptation peut être problématique», dit M. Ménard.

On pourrait également stériliser une partie des femelles en leur injectant un anovulant. Une autre solution «audacieuse, mais coûteuse» serait de clôturer tout le parc - dont le pourtour est de 29 km.

Quatrième piste de solution, «créer un aménagement répulsif», en vaporisant les végétaux avec un produit que n'aiment pas les chevreuils. Le parc-nature l'a d'ailleurs fait à quelques reprises au cours des dernières années; la pratique pourrait être étendue aux terrains des résidants.

Enfin, on pourrait permettre une «chasse contrôlée», pendant laquelle des experts armés d'une arbalète seraient autorisés à abattre un nombre précis de bêtes. Une procédure rarissime, indique M. Ménard, qui serait surpris qu'elle soit retenue. «Je ne pense pas que nos citoyens vont nous demander d'aller dans ce sens-là.»

Quelle que soit la solution retenue, elle sera vraisemblablement appliquée «à court terme», avant l'hiver prochain, estime la mairesse de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau.