Dès le 1er juin prochain, toute nouvelle voiture taxi à Toronto devra être hybride ou écologique. Dans la plupart des métropoles nord-américaines, de Vancouver à San Francisco, c'est maintenant la norme. Mais pas à Montréal, où à peine une dizaine des 4437 taxis sont des voitures hybrides.

«On a des années de retard, nous avons été en hibernation trop longtemps», estime le conseiller municipal Marvin Rotrand. Ce vétéran, élu en novembre dernier sous la bannière de Coalition Montréal, veut faire voter la semaine prochaine une motion demandant un plan de conversion des taxis vers des technologies plus vertes.

Pour convaincre ses collègues, il a soigneusement compilé les statistiques et les articles sur les grandes villes du continent. La championne à ce chapitre, San Francisco, compte déjà 80% de taxis hybrides, un taux que Chicago veut atteindre dès l'an prochain.

Pendant ce temps, à Montréal, la dernière décision à ce sujet a été prise par l'administration du maire Gérald Tremblay en mai 2011. On a essentiellement demandé au nouveau Bureau du taxi de préparer un programme de conversion obligatoire qui serait déposé en 2020.

Avec cet échéancier, rien ne va bouger dans la prochaine décennie, craint M. Rotrand. «Le comité exécutif doit prendre ses responsabilités et ne pas se cacher derrière le Bureau du taxi. Nous manquons d'ambition. Ce dossier n'est même plus un sujet de débat ailleurs, il a été réglé.»

Trop coûteux

Pourquoi cette inertie à Montréal? Le conseiller du district de Snowdon a son hypothèse, confirmée par ses piles de documents. «Nous avons l'industrie du taxi la plus artisanale en Amérique du Nord. Ailleurs, ce sont de grandes flottes possédées par quelques joueurs; c'est plus facile de faire des changements.» Selon les dernières données, l'écrasante majorité des propriétaires de taxi, soit 79%, ne possèdent qu'un seul permis.

De fait, chaque fois que la question de la conversion des taxis a surgi, l'industrie l'a rejetée en raison des coûts jugés prohibitifs. «Nous devons avancer, les Montréalais veulent une meilleure industrie du taxi, une flotte plus verte, estime M. Rotrand. L'intérêt public est là, nous devons embarquer.»

Il ne s'agit pas d'une lubie technologique, assure-t-il, mais bien d'une façon pour Montréal d'atteindre ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre, soit de 24% d'ici 2020. À San Francisco, par exemple, on a pratiquement réduit de moitié les émissions de GES des taxis de 1990 à 2012, même s'ils sont deux fois plus nombreux sur les routes.

«Le taxi fait partie des stratégies de mobilité durable, on préfère l'encourager plutôt que de voir des gens acheter de nouvelles voitures», dit M. Rotrand. Il a bon espoir de convaincre ses collègues du conseil municipal la semaine prochaine. Les deux autres partis de l'opposition, le Vrai Changement pour Montréal et Projet Montréal, «ont manifesté de l'intérêt», indique-t-il.

Quelques exemples nord-américains

New York

>13 437 taxis, tous jaunes, dont 7905 hybrides

>Plus de 50 000 chauffeurs, dont le quart de travail moyen dure 9,5 heures

>600 000 passagers par jour, plus de 236 millions par année

Toronto

>5680 taxis, dont 15% de véhicules hybrides

>À partir du 1er juin, tout nouveau taxi devra être hybride ou alimenté par des «carburants de remplacement»

>Selon un projet pilote, la conversion de tout le parc permettra de réduire les émissions de GES de 19 000 tonnes annuellement, soit 25%

Chicago

>6700 taxis, dont 40% hybrides ou au gaz naturel

>Selon l'initiative Sustainable Chicago 2015, on veut atteindre le taux de 80% d'ici à 2016

>Pour encourager la conversion, un projet pilote de 12 mois s'est déroulé dans les aéroports de la ville. Les taxis verts avaient la priorité et pouvaient se placer les premiers dans la file.

San Francisco

>La ville est aujourd'hui la grande championne nord-américaine, avec 80% de taxi hybrides et 12% au gaz naturel.

>Pendant que le parc passait de 750 véhicules en 1997 à 1378 en 2010, la consommation d'essence a baissé de moitié.