La Ville de Montréal est à revoir la place accordée aux camions lourds sur son territoire alors que trois accidents graves impliquant de tels véhicules ont ébranlé la métropole en deux semaines. Au-delà de la sécurisation des viaducs annoncée cette semaine, la Direction de la santé publique juge en effet que c'est la sécurité de toutes les artères qui doit être améliorée.

Peu après un autre accident dans lequel une cycliste a été gravement blessée, les responsables des transports de Montréal se sont réunis vendredi après-midi pour discuter de la sécurité dans les rues. La métropole a notamment demandé à l'ensemble de ses arrondissements de revoir leur plan de déplacement local, soit la liste des artères sur lesquelles les camions sont autorisés à circuler.

« Il y a des quartiers industriels qui ont changé de vocation, comme Griffintown. Est-ce toujours justifié d'y permettre la circulation des camions? », dit Aref Salem, responsable des transports de l'administration Coderre. Les heures de circulation de ces véhicules lourds sont aussi à l'étude, précise-t-il.

Aref Salem doit rencontrer l'Association du camionnage du Québec la semaine prochaine pour discuter des changements envisagés. L'élu discutera également de l'ajout de jupettes protectrices sous les camions pour empêcher piétons et cyclistes de glisser sous les roues, une mesure fréquente en Europe.

Ces réflexions s'ajoutent aux mesures temporaires annoncées jeudi par l'administration Coderre pour la sécurisation des viaducs. Saluant cette initiative, le directeur de la santé publique de Montréal, le Dr Richard Massé, croit toutefois que la métropole aussi doit s'attaquer aux problèmes de sécurité aux intersections de ses principales artères.

« On ne doit pas se limiter seulement aux viaducs, il y a plusieurs autres zones qui nous préoccupent beaucoup. Quand on regarde les données, on se rend compte qu'il y a une lacune sur les grandes artères », a indiqué le Dr Massé, en entrevue à La Presse.

De 2000 à 2012, la Direction de la santé publique (DSP) a recensé 5200 cyclistes et 11 350 piétons blessés sur le réseau artériel de Montréal. Ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité, puisqu'ils tiennent uniquement compte des incidents ayant fait l'objet de rapports policiers.

Ces données ont tout de même permis de constater que près de 3900 intersections ont été le théâtre d'accidents. Le problème se concentre au coeur de l'île alors que 48 % des intersections de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, 47 % de Rosemont-La Petite-Patrie et 41 % de Ville-Marie (centre-ville) ont été le théâtre d'accidents avec blessures pour des piétons ou des cyclistes.

Le Dr Massé souligne que l'approche fréquemment utilisée pour améliorer la sécurité des cyclistes et des piétons cible principalement les points chauds. « Mais si on veut avoir un impact plus global, il faut qu'on travaille sur des mesures plus générales. Il faut qu'on fasse des aménagements pour qu'il y ait un véritable partage des espaces. »

Plusieurs arrondissements le font déjà dans leurs rues locales, mais la DSP souhaiterait voir Montréal implanter dans ses principales artères davantage de pistes cyclables protégées par des murets, comme celle qu'on retrouve dans les rues Rachel et Berri.

La Ville a pris ce virage, assure Aref Salem, mais le changement sera long à réaliser. « Malheureusement, la ville a été construite en fonction de l'automobile seulement et on n'a pas la capacité de changer ça en deux semaines ou deux ans. »