Une forte odeur et des flaques d'eau huileuse le trahissent: l'arrondissement de Verdun a déposé l'automne dernier des sols lourdement contaminés en bordure du fleuve Saint-Laurent. Le ministère de l'Environnement y avait pourtant interdit l'utilisation d'un dépôt à neige en raison des risques de contamination du cours d'eau.

La Presse a révélé jeudi que le chantier pour refaire une portion du boulevard LaSalle, à Verdun, coûterait 1 million de plus que prévu en raison de la découverte de sols fortement contaminés. Mais voilà, il appert que l'arrondissement a autorisé l'entrepreneur à mettre quelque 

1500 tonnes de cette terre dans un ancien dépôt à neige voisin pour éviter de retarder les travaux de réfection.

«Je ne défendrai pas l'indéfendable, c'est l'arrondissement qui a autorisé ça sous l'administration précédente. J'ai découvert ça il y a deux semaines», s'indigne le maire de Verdun, Jean-François Parenteau.

Ce site est pourtant jugé «sensible» par le ministère de l'Environnement, qui en a interdit l'utilisation comme dépôt à neige en raison de sa trop grande proximité avec le fleuve Saint-Laurent. On voulait ainsi éviter que les eaux de fonte, gorgées de sel et de détritus, se répandent dans le cours d'eau par effet de ruissellement. Il a été impossible hier de joindre un responsable au ministère de l'Environnement pour savoir si le dépôt de sols contaminés était acceptable.

Pour minimiser les risques, Verdun assure que «des mesures préventives ont été prises pour l'entreposage des matériaux dans l'ancien site de dépôt à neige. Une toile étanche a été installée sous la pile de matériaux afin de permettre de les séparer du sol existant», précise l'arrondissement.

Une visite des lieux permet toutefois de constater que la toile s'est grandement détériorée au cours de l'hiver. En fait, elle est maintenant complètement en lambeaux et de nombreux morceaux s'en sont détachés. Plusieurs ont d'ailleurs abouti dans les eaux du fleuve.

«C'est dégueulasse, il y a du plastique partout, même dans l'eau», s'insurge un habitué du parc, Daniel Montbleau, rencontré sur place.

Une odeur qui trahit

Plus de six mois après leur découverte et leur «entreposage», les sols contaminés sont toujours en bordure du fleuve. Une forte odeur trahit d'ailleurs leur présence. C'est cette odeur qui, lors du chantier, avait révélé en septembre la présence de contaminants dans le sol. Autour du monticule, des flaques d'eau présentent une surface huileuse.

Le maire Parenteau indique que les sols disparaîtront d'ici trois semaines. Les résidants du secteur restent néanmoins inquiets, puisque le chantier du boulevard LaSalle doit reprendre ce printemps. L'entrepreneur devra alors excaver 7100 tonnes de sols contaminés, soit quatre fois plus que l'automne dernier.

L'ancien dépôt à neige ne sera plus utilisé pour les sols contaminés, assure le maire Parenteau. «Je ne suis pas du tout d'accord avec cette façon de faire, on va enlever ça le plus vite possible. On est sur le bord du fleuve. Pour moi, c'est impensable de toucher à ces zones», déplore-t-il.

L'ancien dépôt à neige est en effet situé en plein au coeur du parc linéaire de Verdun, tout juste en face de l'hôpital Douglas. Plusieurs personnes traversent l'endroit, comme en témoignent les nombreuses traces de pas dans la boue.

Lors du passage de La Presse, quelques personnes pêchaient dans les eaux du fleuve, tout juste à côté du tas de terre contaminée. Elles étaient surprises d'apprendre que l'amoncellement derrière eux était composé de sols contaminés.

Les analyses de la Ville de Montréal ont déterminé que les sols étaient lourdement contaminés au créosote, un produit hautement cancérigène. La terre est à ce point contaminée qu'aucun site de la région de Montréal n'est autorisé à la recevoir. Les sols devront être décontaminés à 165 km de la métropole, soit à Bécancour, près de Trois-Rivières.