Un an après les révélations de la commission Charbonneau sur la collusion à Montréal, la métropole continue d'observer une baisse du prix des contrats dans la réfection des conduites d'eau et égouts. En 2013, la Ville a payé en moyenne 10% de moins que ce qu'elle croyait devoir débourser.

L'hiver dernier, plusieurs témoins ont affirmé à la commission Charbonneau que la collusion avait permis de gonfler le prix des contrats de construction de 30%. Ceux-ci ont toutefois indiqué que la mise en place de l'Unité permanente anticorruption et de l'enquête publique sur l'industrie de la construction a mis fin au stratagème en 2009. D'ailleurs, dès 2012, la Ville de Montréal avait constaté une baisse généralisée du coût des contrats de construction de 20 à 33%.

Depuis les révélations, les prix ont toutefois continué à baisser, constate la Ville. «On voit dans les appels d'offres qu'il y a une baisse», confirme l'élue responsable de l'eau à Montréal, Chantal Rouleau.

Pour en avoir le coeur net, Montréal a entrepris une analyse afin de mesurer l'ampleur de la baisse observée. «Ce n'est pas une évaluation simple. Il y a des travaux qu'on fait qui ne sont pas comparables», dit Mme Rouleau. Les résultats sont attendus d'ici quelques mois.

Une compilation des contrats attribués en 2013, faite par La Presse, démontre que Montréal paie en moyenne 10% de moins que ce qu'elle estimait devoir payer pour ses chantiers du réseau de distribution d'eau et des égouts.

Montréal a complètement revu la façon d'évaluer le coût de ses chantiers depuis les révélations de la commission Charbonneau. Alors que la Ville basait son évaluation sur les chantiers des années précédentes, l'administration a fait table rase des prix payés avant 2010, plusieurs témoins de la Commission ayant affirmé que les contrats étaient artificiellement gonflés. «Ce serait inutile», dit Philippe Sabourin, porte-parole municipal. Désormais, les ingénieurs de la Ville décortiquent les appels d'offres pour tenter d'évaluer le coût d'un chantier comme s'ils étaient eux-mêmes des entrepreneurs. Ils disent ainsi tenir compte des «prix réels du marché actuel».

Moins de mandats

La baisse soutenue du coût des contrats pourrait être attribuable au faible nombre de mandats accordés par la Ville depuis un peu plus d'un an. Le Service de l'eau de Montréal a reconnu cette semaine avoir réalisé seulement 34% des chantiers prévus en 2013 en raison des délais pour les entrepreneurs qui doivent obtenir l'autorisation de l'AMF. Pour s'assurer de décrocher l'un des rares contrats disponibles, les entrepreneurs pourraient ainsi avoir décidé de baisser leurs prix.

«C'est en 2014 qu'on va prendre la mesure», dit Mme Rouleau. L'élue reste convaincue que Montréal continuera à payer moins cher que durant les années où la collusion a régné. «Je ne pense pas que ce soit passager. Il y a quelque chose qui s'installe», dit Chantal Rouleau, responsable des infrastructures de l'eau.

Des soumissions moins similaires

La Presse a comparé les prix soumis aux appels d'offres lancés en 2013 à ceux de l'année 2008 alors que régnait la collusion selon les témoignages à la Commission. Il y a six ans, le prix offert par le plus bas soumissionnaire était souvent très près de l'estimation de la Ville. Construction Garnier avait ainsi décroché un contrat de 4,8 millions avec une offre à 3500$ près de l'estimation, un écart de moins de 0,1%.

Autre phénomène, les soumissionnaires aux appels d'offres affichaient souvent des prix très similaires en 2008. L'écart de prix entre le plus bas soumissionnaire et le plus élevé était en moyenne de moins de 15%. Depuis, l'écart de prix a considérablement augmenté. En 2013, l'écart moyen était désormais de plus de 40%. Il n'est d'ailleurs pas rare maintenant de constater des écarts se chiffrant en millions entre l'offre la plus basse et la plus élevée.

Plusieurs témoins à la Commission ont expliqué que les appels d'offres étaient truqués par des soumissions de complaisance. L'entrepreneur pressenti pour obtenir un contrat appelait ses rivaux pour leur annoncer à quel prix présenter leur soumission.

Autre nouveauté, la Ville observe également une augmentation du nombre de soumissionnaires à ses appels d'offres. En 2008, il y avait en moyenne 6,3 soumissionnaires. On en dénombre maintenant 7,3.