L'adoption de la Charte de la laïcité du gouvernement Marois aura un effet néfaste sur la métropole. Le projet de loi 60 «vient ternir notre image à l'international, projette une fausse perception de fermeture et d'exclusion et mine les efforts consentis pour accroître l'attractivité» de Montréal.

C'est un cri du coeur que devrait lancer le maire de Montréal, Denis Coderre, dans son témoignage devant la commission parlementaire sur le projet de loi 60, qui reprend ses travaux ce matin. Le mémoire de Montréal obtenu par La Presse, qui fait une vingtaine de pages, fait une critique sans appel du projet de charte du ministre Drainville, des mesures inutiles qui sèmeront le discrédit sur la ville, estime l'administration Coderre, dont le témoignage n'aura lieu que dans quelques semaines. Alors qu'il était candidat à la mairie, Denis Coderre avait déjà indiqué qu'il ne s'attendait pas à ce que la Ville soit soumise à cette loi - le ministre Drainville prévoyait alors une possibilité d'exemption, renouvelable.

Comme l'Association québécoise des établissements de santé, la Ville de Montréal demande à Québec de présenter son projet de loi à la Cour d'appel du Québec pour en vérifier la constitutionnalité. Montréal demande aussi un «droit de retrait pour l'ensemble de son territoire», une mesure qui serait renouvelable tous les cinq ans par une décision du conseil municipal. On demande aussi une «analyse» indépendante pour s'assurer que cette nouvelle charte ne créera pas d'inégalités entre les sexes.

Au recensement de 2011, 9% des résidants de l'agglomération montréalaise se déclaraient de confession musulmane, 4% de plus qu'en 2001. On comptait 65% de chrétiens, et 18% des résidants se disaient sans appartenance religieuse. Avec 28 000 employés, la Ville met l'accent sur l'embauche de membres des communautés culturelles. Leur taux d'embauche est passé de 17 à 26% entre 2008 et 2012. Maintenant, 60% des nouvelles embauches sont issues des communautés culturelles.

Selon la Ville, Québec cherche à régler de faux problèmes. «Réaffirmer le caractère laïc de l'État dans le projet de loi présuppose qu'il y aurait une remise en question, ce qui n'est pas le cas.»

Et surtout au sujet des interdictions controversées: Montréal n'a jamais eu «à mettre en doute la capacité des employés qui portent des signes religieux à assumer leurs fonctions». «Cette situation n'a jamais causé de problème au sein de notre fonction publique», la Ville «n'a reçu aucune plainte de citoyens ou d'employés quant au port d'un signe religieux par un fonctionnaire municipal», affirme-t-on.

La Ville attaque durement l'article 5 du projet de loi, qui prévoit qu'un employé d'un ministère ou d'un organisme ne doit pas porter de vêtement ou de parure «marquant ostensiblement, par son caractère démonstratif, une appartenance religieuse». L'application de cette disposition «enverrait un message d'exclusion extrêmement négatif aux citoyens, dont certains sont dans une situation déjà fragilisée» en remettant en question leur accès aux emplois. Ce qui causerait un précédent «qui [stigmatiserait] une partie des citoyens qui ne renonceraient pas au port de signes religieux, et entraînerait leur exclusion de facto de l'accès à l'emploi dans la fonction publique municipale».

Cette mesure est «en totale contradiction» avec le message d'accessibilité que lance l'administration municipale. Les dommages ne se limitent pas qu'aux adhérents aux mouvements religieux, mais à tous les nouveaux arrivants. «Ce projet de loi risque de miner la confiance des citoyens portant des signes religieux, mais également de tous ceux issus de l'immigration envers leurs institutions publiques.»

Selon la Ville, la loi aurait un effet «contre-productif» sur l'accès à l'égalité hommes-femmes, puisqu'elle viserait essentiellement les femmes musulmanes.