Un nouveau pas a été franchi hier vers le remplacement du pont Champlain par un ouvrage qui sera lui aussi en béton, mais dont le coût demeure secret. Tout au plus le gouvernement fédéral a-t-il présenté les contours du projet qui sera réalisé en partenariat public-privé. Cela implique l'imposition d'un péage dont Ottawa ignore l'impact sur les autres infrastructures en place. L'onde de choc n'a pas tardé.

Le gouvernement fédéral choisit encore une fois le béton comme matériau de construction du nouveau pont enjambant le Saint-Laurent, malgré l'expérience du pont Champlain dont la structure de béton s'effrite en accéléré.

Il s'agit de l'option privilégiée par Ottawa au terme d'une analyse effectuée dans le cadre du dossier d'affaires favorisant le mode de réalisation en partenariat public-privé (PPP). Ainsi, selon les caractéristiques établies, le concessionnaire privé qui décrochera le contrat de PPP devra construire les piliers du pont en béton tout comme les trois tabliers juxtaposés qui constituent les voies sur lesquelles circuleront les véhicules.

Outre le choix du béton plutôt que l'acier, le pont sera à haubans, ce qui signifie qu'il sera suspendu par des câbles accrochés à des pylônes, pour ce qui est de la portion au-dessus de la Voie maritime. Le pont Olivier-Charbonneau, communément appelé le pont de l'A25, est un exemple québécois de pont haubané. De façon plus spectaculaire, le viaduc de Millau, en France, est également un pont à haubans.

Pour ce qui est de la configuration du futur ouvrage, Ottawa rejette l'idée avancée par le gouvernement du Québec de le construire à deux niveaux afin de séparer le transport en commun des six voies de circulation et de la piste multifonctionnelle. De la même manière, le fédéral maintient sa position quant au financement du transport en commun sur le pont (train léger sur rail, par exemple), que devra assumer Québec.

Coûts secrets

Ce sont là quelques éléments techniques présentés hier par le ministre de l'Infrastructure, Denis Lebel. Ce dernier s'en est tenu aux grandes lignes du dossier d'affaires sans rendre publiques les sommes nécessaires au projet. M. Lebel et son équipe à Transports Canada arguent que la confidentialité des coûts spécifiques doit être maintenue pour ne pas influencer le processus d'attribution du contrat de PPP et «protéger l'intégrité et les fonds publics».

En octobre 2011, au moment d'annoncer le remplacement du pont Champlain, Transports Canada dévoilait pourtant son estimation préliminaire des investissements à venir: 811 millions pour le remplacement du pont de l'île des Soeurs, 681 millions pour la reconstruction de la partie fédérale de l'autoroute 15 (à partir de la sortie Atwater) et 3,7 milliards pour le pont et ses approches routières.

Hier, le ministre Lebel s'est borné à rappeler qu'il s'agit d'un projet se situant entre 3 et 5 milliards de dollars. En s'appuyant sur le dossier d'affaires, il a soutenu que le choix du PPP représentera des économies entre 5 et 18% par rapport au mode classique de réalisation; la démonstration demeure toutefois secrète.

Financement hybride et péage

Le ministre Lebel a confirmé, par ailleurs, les révélations de La Presse quant au partage du risque financier avec le secteur privé. Le péage qui sera imposé aux automobilistes ne sera pas le seul revenu garanti au concessionnaire privé. Ottawa versera «une importante contribution initiale», a-t-il précisé.

Pour ce qui est du tarif imposé aux quelque 60 millions de véhicules qui empruntent annuellement le pont Champlain, Ottawa indique qu'il ne sera pas connu avant la signature de l'entente de PPP, l'année prochaine. Denis Lebel a tout de même cherché à se montrer rassurant.

«Un tarif à 7$, oubliez ça. Ça n'a jamais été dans nos vues ou dans nos calculs. On est conscients des tarifs qui se chargent sur la 25 et la 30 et, quelque part là-dedans, il y a des moyennes qui vont se faire», a-t-il indiqué.

Ce dernier a reconnu que son gouvernement se lance dans le péage sans en avoir mesuré l'impact sur les autres ponts de Montréal.

Échéancier préliminaire

Le ministre s'est montré enthousiaste quant au choix du PPP, qui garantira, selon lui, la livraison du pont à «une date précise moyennant un prix fixe». La première étape vers le remplacement du pont Champlain sera franchie au printemps. Le gouvernement lancera alors l'appel de qualification. Trois mois plus tard, les trois ou quatre consortiums d'entreprises qui auront été retenus prépareront une soumission attendue pour l'été 2015.

Selon cet échéancier préliminaire, la construction devrait commencer à ce moment-là en vue d'une ouverture en 2018. Ce n'est qu'à ce moment que le pont Champlain sera démoli.