La société fédérale qui gère le pont Champlain dit avoir envoyé plusieurs signaux d'alarme sur l'état de l'infrastructure au cours des dernières années, mais laisse entendre que les fonctionnaires à Ottawa sont restés sourds à ses appels.

Glen Carlin, qui administre la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI), affirme que son organisme prévient depuis des années le gouvernement fédéral de la dégradation du pont le plus achalandé au Canada. Il avait commencé ses mises en garde bien avant qu'un rapport de la firme Delcan révèle un risque «d'effondrement partiel» de la structure, à la fin de 2010.

«Bien en amont du rapport de Delcan, on a donné toutes les informations et tous les signaux comme quoi le pont tire à sa fin et qu'il faut penser à le remplacer», a affirmé M. Carlin en entrevue avec La Presse, hier.

Mais ces démarches n'ont pas convaincu les fonctionnaires de Transports Canada d'accélérer le remplacement du pont.

«C'est un processus qui est très long, a-t-il relaté. Avec les années, les fonctionnaires changent, ce n'est plus les mêmes personnes, alors tu répètes ton message d'année en année et, parfois, ça donne ce que ça donne.»

Ces propos ont fait bondir le chef de l'opposition à Ottawa, Thomas Mulcair. Le chef du Nouveau Parti démocratique a dénoncé «l'incurie», «l'incompétence» et «l'insouciance téméraire pour la vie d'autrui» du gouvernement Harper dans sa gestion du pont Champlain.

À ses yeux, le gouvernement conservateur joue non seulement avec la vitalité économique de la métropole québécoise, mais carrément avec la sécurité des Montréalais.

«L'alarme a été sonnée dès 2006, a dit M. Mulcair. On savait qu'il fallait remplacer le pont Champlain. Ils n'ont rien fait, alors nous voilà à l'aube de 2014 avec rien devant nous sauf une super-poutre. C'est de la foutaise pure et simple.»

Le lieutenant de Stephen Harper au Québec, Denis Lebel, a assuré la semaine dernière que son gouvernement travaille d'arrache-pied pour devancer la construction du nouveau pont. Dans l'intervalle, la structure reste sécuritaire, a-t-il assuré au ministre québécois des Transports, Sylvain Gaudreault.

À la Chambre des communes, hier, le secrétaire parlementaire du premier ministre Harper, Jacques Gourde, a fait valoir que les partis de l'opposition ont voté contre des mesures visant à fournir des fonds à l'entretien du pont Champlain.

«Nous allons prendre les mesures nécessaires pour entretenir ce pont, afin qu'il soit sécuritaire le plus rapidement possible», a-t-il affirmé.

Super-poutre

Glen Carlin affirme que l'heure n'est pas à la distribution des blâmes, mais bien à la réparation du pont et à son remplacement. On devrait installer cette fin de semaine une «super-poutre» chargée de remplacer celle qui a été affaiblie par une fissure. C'est cette découverte qui a forcé l'organisme à fermer une voie dans chaque direction.

La PJCCI devait déplacer hier soir les cinq pièces de cette imposante structure dans l'île des Soeurs, où elles doivent être assemblées au cours des prochains jours.

- Avec Hugo Pilon-Larose