L'état de dégradation du pont Champlain fait l'objet d'un suivi serré et il n'y aura aucun compromis sur la sécurité des usagers, a réaffirmé vendredi le ministre fédéral de l'Infrastructure et des Collectivités, Denis Lebel.

C'est précisément pour ne prendre aucun risque qu'une voie a été retranchée pour un mois, après l'apparition d'une fissure sur une poutre du pont Champlain plus tôt cette semaine.

Le directeur général de la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain, Glen Carlin, a répété que ces réparations d'urgence seront réalisées à raison de travaux menés sept jours sur sept. Le coût de ces travaux est évalué à près de 5 millions $ et l'objectif est de rouvrir la voie pour le 12 décembre, ou mieux, si la chose s'avère possible.

Le retrait d'une voie sur le pont Champlain s'est traduit par des impacts directs sur le transport automobile et commercial, mais le ministre des Transports du Québec, Sylvain Gaudreault, s'est montré on ne peut plus clair sur la structure.

«Le pont est sécuritaire et nous avons des mesures pour répondre aux besoins de fluidité des transports de la population», a-t-il souligné.

Pour tenter d'atténuer et limiter ces conséquences sur la fluidité de la circulation, le ministre a annoncé un plan de mobilité et l'implantation de 12 mesures à court terme pour redonner de l'oxygène à un axe névralgique de la métropole.

Ainsi, dès lundi matin, la voie réservée pour les autobus sera remise en place de la rive-sud vers Montréal en heure du pointe du matin. Trois voitures par rame de métro sur la ligne jaune viendront s'ajouter de même qu'une voiture sur les lignes de train de banlieue. Des places additionnelles pour le covoiturage seront ajoutées aux stationnements incitatifs Chevrier et Panama, des titres gratuits de cartes OPUS seront aussi remis aux automobilistes et utilisateurs occasionnels.

Sur les autres traversées du Saint-Laurent, le pont Victoria verra la circulation par alternance prolongée le soir, passant en circulation unidirectionnelle le soir dès 14h et jusqu'à 20h au lieu de 15h à 19h selon l'horaire habituel.

Ces mesures seront évaluées et pourraient être rajustées.

«Les seules préoccupations sont la fluidité, le développement économique et la sécurité», a insisté le ministre des Transports du Québec.

Ces mesures ont été annoncées au terme d'une rencontre matinale réunissant avec la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain, le ministre Gaudreault ainsi que des maires des villes concernées par le pont Champlain, dont Denis Coderre, pour Montréal, et Caroline St-Hilaire, pour Longueuil, de même que le ministre fédéral Denis Lebel.

Si les participants reconnaissent les enjeux liés à la perte d'une voie et encore davantage l'urgence de remplacer le pont et d'accélérer les procédures de construction d'un nouveau lien interrives, la mairesse de Longueuil a tout de même tenu à faire passer son message au ministre Lebel. Mme St-Hilaire lui a mentionné ses appréhensions d'avoir à gérer d'éventuelles fermetures d'ici la livraison du nouveau pont en 2021.

«Nous subissons les conséquences de chaque fermeture d'une voie ou d'un pont. Je me suis permise, très gentiment, de lui rappeler qu'il était propriétaire du pont et qu'il doit travailler avec nous parce que nous en payons le prix», a indiqué Mme St-Hilaire.

De son côté, le maire de Montréal, Denis Coderre, s'est dit satisfait du rapport fournit par la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain et se réjouit de constater que tous les acteurs «sont en mode action». Il n'a pas non plus caché que son attention se portera également sur les questions économiques qui entrent en ligne de compte avec le retranchement d'une voie sur le pont Champlain.

«La configuration du pont sur les voies réservées a un impact sur le camionnage, donc nous avons un rôle à jouer sur le plan économique pour s'assurer de ne pas causer de problème en matière de livraison vers Montréal», a ajouté M. Coderre.

Un pont dégradé

En marge des mesures d'atténuation annoncées, le ministre Lebel avait convié les médias pour une mise à jour sur l'état du pont Champlain. D'entrée de jeu, il a reconnu que la dégradation précoce du pont a forcé une cadence accélérée pour les travaux de remplacement.

«Nous remplaçons le pont, parce que l'état du pont fait que nous devons le remplacer. Si nous devons le faire, il est clair que si nous sommes obligés de faire ça, c'est qu'il y a eu, au niveau de l'entretien, certaines carences», a dit le ministre

Il a toutefois refusé de jeter le blâme sur d'autres. Il soutient que «regarder derrière ne réglera rien» et que sa priorité reste la livraison d'un nouveau pont Champlain en 2021.

Si l'urgence du remplacement ne fait aucun doute, le maintien de la sécurité de la structure constitue également un chantier de tous les instants.

«Le restant du pont demeure sécuritaire», est venu appuyer Glen Carlin, qui accompagnait M. Lebel. Détaillant l'état véritable du pont Champlain, il a toutefois indiqué que certaines variables échappaient aux inspections.

«Il y a beaucoup d'inconnus. On ne peut pas voir ce qui se passe à l'intérieur des poutres. Les câbles qui sont à l'intérieur, qui soutiennent les poutres, sont en train d'être grugés de corrosion. Nous avons 350 poutres sur le pont Champlain qui sont dans différents états de dégradation», a expliqué M. Carlin.

Il a précisé que des inspections quotidiennes, et même deux fois par jour, sont menées sur le pont, qui est le plus achalandé au Canada. Néanmoins, malgré tous les experts présents, des éléments apparaissent sans prévenir. La fissure survenue en début de semaine en est un exemple.

«Cette poutre, qui n'était pas vraiment ciblée comme étant de grande priorité, est devenue problématique subitement», a mentionné M. Carlin.

Le député néo-démocrate de Brossard-La Prairie, Hoang Mai, se dit rassuré par la gestion proactive exercée par les autorités de la Société des ponts. Il déplore toutefois que le ministre fédéral soit à la remorque dans ce dossier.

«Nous demandons au ministre quel est le plan B. Quelles sont les mesures d'urgence si le pont devait fermer plus d'une voie?» a-t-il demandé.

À court terme, puisque des alternatives ont été trouvées pour composer avec les impairs causés par des voies réduites, Christian Savard, directeur général de l'organisme Vivre en ville, se dit heureux des mesures proposées pour préserver une mobilité optimale entre Montréal et sa banlieue sud.

«On a mis le transport en commun au coeur de sa solution actuelle au lieu de créer un problème avec la fermeture de la voie réservée. Je suis content de voir que le transport collectif a été mis au coeur des solutions puisqu'il transporte plus de gens sur une seule voie», a soutenu M. Savard.