Il est souvent plus facile pour les Montréalais de se procurer un sac de réglisses ou des cigarettes que d'acheter des fruits et légumes frais à distance de marche.

Concrètement, plus de 40% des Montréalais n'ont pas accès à de bons fruits et légumes dans un rayon de 500 mètres de leur domicile, révèle une étude inédite de la Direction de santé publique (DSP) de Montréal, obtenue par La Presse, et qui sera dévoilée la semaine prochaine. Un constat sombre que n'annonce rien de bon pour prévenir l'obésité et l'apparition des maladies chroniques.

Encore plus troublante, cette proportion s'élève à plus de 55% dans certains secteurs de l'île, et contrairement à la croyance populaire, cette problématique ne touche pas que les gens de l'arrondissement de Ville-Marie, où il y a une forte proportion de démunis.

Un peu partout sur le territoire, que ce soit dans l'Est, dans l'Ouest, ou dans les quartiers dits centraux, il y a des poches urbaines où l'on peut parler de «désert alimentaire» en fruits et légumes frais. Et au moins 135 000 citoyens sous le seuil d'un faible revenu sont directement touchés.

Inégalités sociales

La DSP de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a déployé des enquêteurs dans tous les recoins de Montréal sur plusieurs années afin d'avoir une radiographie reflétant fidèlement la réalité.

Au total, 624 commerces ont été visités, allant du dépanneur du coin au grand magasin, et 456 ont été retenus pour l'étude.

«Il s'agit de l'une des seules études à aller aussi loin, assure Lise Bertrand, nutritionniste et auteure principale. On constate que cette inégalité contribue à accroître les inégalités sociales en santé.»

Parmi les secteurs qui ont étonné les chercheurs de l'étude, il y a le Sud-Ouest, Verdun, LaSalle, et Lachine. À l'ouest, la situation est préoccupante: Saint-Laurent, Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds et Dollard-des-Ormeaux. La Pointe-de-l'Île, Bordeau-Cartierville, de même que Rivière-des-Prairies sont aussi touchés fortement.

«On remarque que ce sont des quartiers à l'image des banlieues, où la voiture est utilisée pour les emplettes, constate Dr Louis Droin, de la DSP. Or, ce n'est pas tout l'monde qui a les moyens de se payer un véhicule. Et il faut penser aux personnes âgées pour qui les déplacements sont plus difficiles.»

La prochaine étape pour l'Agence de santé sera de sensibiliser et d'élargir son soutien à des initiatives locales de distribution de fruits et légumes frais.

Quatorze projets reçoivent actuellement 45 000$ par année sur cinq ans. On pense entre autres au Petit marché de l'Est, dans Rosemont, qui offre le service de «Friuxi», qui a été développé par le marché Frontenac. Il s'agit d'un vélo triporteur de livraison de fruits et légumes, un service prisé par les personnes à mobilité réduite.

Les fruits et légumes au masculin

Dans la foulée de son étude, la direction de la santé publique de Montréal s'est penchée sur la différence de consommation en fruits et légumes entre les femmes et les hommes montréalais. Les résultats sont étonnants, et démontrent que les hommes, même dans leurs meilleures années, mangent moins de fruits et légumes frais. Pour l'année 2012, par exemple, près de 45% des femmes montréalaises ont affirmé manger des fruits et légumes au moins cinq fois par jour (cinq portions), tandis qu'à peine un peu plus de 25% des hommes disent en consommer à cette fréquence.

Pour obtenir plus de détails sur l'étude: dsp.santemontreal.qc.ca/accesalimentsante