Pour la première fois de l'histoire, une enquête du coroner associe directement la mort d'une Québécoise à la prise de stéroïdes anabolisants, a appris La Presse. Dans un rapport qui sera rendu public sous peu, un coroner conclut qu'une Montréalaise qui s'est suicidée au début de 2013 «s'est donné la mort dans un contexte de psychose maniaque induite par la prise de stéroïdes anabolisants».

La dame en question consommait des stéroïdes depuis 10 ans. Lors de son autopsie, les signes de consommation étaient évidents: la musculature était très développée, il y avait des poils rasés sur son cou, son visage et son abdomen, et son clitoris était plus gros que la moyenne.

La femme d'une trentaine d'années s'entraînait cinq fois par semaine. En plus des stéroïdes, elle consommait des antidépresseurs, des vitamines et des suppléments de protéines. Elle prenait aussi plusieurs substances pour contrer les effets secondaires des stéroïdes, notamment des produits contre l'acné, la perte de cheveux, l'hyperglycémie, la rétention d'eau et l'irritabilité émotionnelle.

La femme s'est suicidée en janvier dans le cadre de ce que le coroner qualifie de processus «d'autodestruction». Aucune autre mort n'a jamais été liée directement aux stéroïdes, confirme le Bureau du coroner.

Invitation aux parents

Rita Charbonneau ne sait pas si son fils Pierre-Alexandre Charette est mort uniquement à cause des stéroïdes. Mais elle sait qu'il en consommait. Beaucoup.

Aujourd'hui, elle invite les parents à être à l'affût de l'état de leurs enfants. Pour tenter de prévenir d'autres morts. «Les jeunes aujourd'hui se mettent tellement de pression pour leur image! C'est malsain», dit-elle.

La Dre Alexandra Bwengue, urgentologue et responsable des communications de l'Association québécoise des médecins du sport, confirme que des Québécois aussi jeunes que 17 ans consomment des stéroïdes, et ce, aux quatre coins de la province. «Ils ne commencent pas directement en prenant des stéroïdes. Ils vont faire quelque chose de moins extrême avant, comme s'entraîner beaucoup et contrôler ce qu'ils mangent. Mais ils vont pousser ça plus loin. Prendre de la créatine. Et certains vont ensuite aller vers les stéroïdes», explique-t-elle.

La Dre Bwengue ajoute que contrairement aux athlètes qui vivent sous la menace constante de se faire piéger par des contrôles antidopage, les jeunes qui ne font que s'entraîner pour être beaux ne risquent pas de se faire prendre. «Rien ne les arrête», dit-elle.

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QUELQUES CHIFFRES

15% Pourcentage des gens qui font du sport tous les jours et qui peuvent être touchés par la bigorexie (dépendance aux sports), selon l'Organisation mondiale de la santé.

114 millions Ventes annuelles de suppléments de nutrition sportive au Canada en 2009, selon Agriculture et agroalimentaire Canada.

0,6% Pourcentage de Canadiens qui auraient déjà consommé des stéroïdes anabolisants, selon une étude de 2004 de Santé Canada.

1,5% Pourcentage des élèves du secondaire qui ont déjà consommé des stéroïdes, selon une enquête menée en 2011 par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.