Les municipalités de l'île de Montréal, où vivent 1,8 million de personnes, demanderont à l'unanimité au ministre Bernard Drainville d'être soustraites à la Charte des valeurs rendue publique mardi.

À l'issue d'une réunion, les maires des 15 villes défusionnées de l'île de Montréal ont adopté une résolution qui rejette fermement la Charte des valeurs présentée par le gouvernement péquiste.

Si cette charte prenait force de loi, les 15 maires se prévaudraient, à l'unanimité, du droit de retrait prévu dans le projet de loi. Déjà, les trois candidats à la mairie de Montréal avaient indiqué hier qu'ils demanderaient une telle exemption s'ils étaient élus.

Résultat: les municipalités de l'île de Montréal au grand complet se soustrairaient donc aux dispositions de la Charte. « C'est très rare, une telle unanimité à Montréal. En fait, on n'a pratiquement jamais vu ça », souligne le maire de ville Mont-Royal, Philippe Roy, qui a proposé l'adoption d'une telle résolution à ses collègues des autres villes.

« Le gouvernement Marois doit retourner faire ses devoirs. Il n'a pas consulté le milieu montréalais », souligne M. Roy.

«Méconnaissance complète de la réalité montréalaise»

Concrètement, ce droit de retrait ferait en sorte que l'ensemble des employés municipaux sur l'île serait exempté, pendant cinq ans, des dispositions de la Charte qui interdisent les symboles religieux ostentatoires.

Les employés municipaux se retrouvent évidemment dans les administrations municipales, mais aussi dans les services au public, les bibliothèques, les installations sportives et les sociétés de transports en commun. À la Ville de Montréal seulement, on compte quelque 29 000 employés.

Même si les municipalités se prévalaient de l'exemption, le projet de loi du ministre Bernard Drainville prohiberait toujours le port de signes religieux chez les policiers municipaux, qui n'ont pas le droit de s'y soustraire.

Les dispositions de la Charte des valeurs ont profondément choqué les élus montréalais, souligne M. Roy. Certaines de ces municipalités comptent plusieurs employés qui portent un signe religieux ostentatoire. Il serait impensable, selon les élus, de leur demander de le retirer.

La Charte «témoigne d'une méconnaissance complète de la réalité montréalaise et mène à la division», souligne le document adopté à l'unanimité par les maires.

À la Ville de Hampstead, on avait déjà adopté une résolution au conseil municipal qui condamnait la Charte avant même qu'elle soit rendue publique officiellement.

Le conseiller Jack Edery, lui-même un juif orthodoxe qui porte la kippa, avait présenté la résolution à ses collègues du conseil municipal la semaine dernière. «Il ne faut pas confondre séparation de l'Église et de l'État et persécution de la religion par l'État», stipule la résolution.

M. Edery ne mâche pas ses mots pour fustiger la future Charte. «À notre avis, c'est une loi raciste, tranche-t-il. Moi, je ne vais pas enlever ma kippa et je ne dirai jamais à un employé municipal de l'enlever. Mme Marois, envoyez la police au prochain conseil de ville, et arrêtez-moi!»

Hors de l'île, pas de décision

Hors de l'île de Montréal, les élus municipaux n'ont pas encore décidé s'ils demanderaient ou non l'exemption de la Charte. «Pour le moment, on en est à examiner l'impact de la Charte sur l'administration municipale. On essaie de voir combien d'employés seraient touchés», dit Catherine Bérubé, porte-parole de la Ville de Longueuil.

Même scénario à Laval, Terrebonne et Saint-Lambert. «C'est un peu prématuré, dit le directeur des communications de Terrebonne, Joël Goulet. C'est un sujet délicat qui mérite réflexion.»

«La question nous intéresse beaucoup, mais pour l'instant, on se prépare aux élections. Ce sera aux prochains élus à prendre position», dit Nadine Lussier, porte-parole de la Ville de Laval.