L'opposition à la venue prochaine à Montréal de prédicateurs islamistes européens s'intensifie. Trois manifestations sont organisées devant le Palais des congrès tandis que des voix s'élèvent dans la communauté pour condamner l'obscurantisme religieux, mais aussi l'amalgame dont tous les musulmans sont victimes.

Des pages Facebook ont été créées pour promouvoir ces manifestations prévues le samedi 7 septembre, premier jour de la conférence «Entre ciel et terre»: «Québécois contre l'islamophobie et l'intégrisme», «Non à la propagation de l'islam radical au Québec» et «Collectif québécois pour les libertés face à l'islam radical».

Pour sa part, dans une lettre ouverte, l'écrivain Karim Akouche s'en prend avec virulence à ces «envoyés d'Allah» qui vont venir "pérorer" pour «nous sauver de l'enfer [...], nous les pervertis, les dévergondés, les libertins, les égoïstes, les impies, les mécréants».

«Oubliez donc Céline Dion et Félix Leclerc [...], brûlez vos bibliothèques, détruisez vos théâtres, éteignez vos lanternes et laissez les messagers d'Allah glorifier la mort et le jugement dernier», écrit-il.

Et de conclure: «Moi qui ai vu prêcher ce genre d'illuminés dans les stades et les rues d'Algérie, au début des années 90, avec pour résultat plus de 200 000 morts et d'infinies souffrances, comment pourrais-je me taire?»

Ces femmes «provocantes»

Parmi les conférenciers-vedettes figure le Français Nader Abou Anas qui, dans certains de ses prêches en ligne, s'en prend aux femmes "provocantes" qui se maquillent, se parfument, celles qui «marchent sans aucune gêne au milieu des trottoirs en se frottant aux hommes» ou à celles qui refusent de porter le voile.

Le prédicateur leur rappelle qu'elles sont «les servantes d'Allah» et qu'elles ne sont «pas libres de faire» ce qu'elles veulent «dans ce monde».

Des propos qui ont fait bondir la ministre péquiste du Travail et de la Condition féminine Agnès Maltais.

Mercredi, jour de la publication de l'article de La Presse, elle a demandé par écrit à son homologue à Ottawa Kellie Leitch de «prendre les mesures nécessaires pour éviter la propagation de propos inacceptables pour les femmes du Québec».

La ministre du gouvernement Harper n'a pas réagi. Pas plus que le ministre de la Sécurité publique et député de Lévis Steven Blainey.

Seul le fédéral a le pouvoir de bloquer l'entrée du territoire aux visiteurs qui sont jugés indésirables.

Organisateurs muets

À Québec, le ministre du Tourisme Pascal Bérubé se terre aussi dans le mutisme. Le Palais des congrès, qui a accepté de louer son espace pour cette conférence controversée, dépend pourtant de son ministère. Et les gestionnaires de l'édifice restent sur leur position: pas question d'annuler malgré les manifestations, les lettres et appels de protestation dont ils commencent à être inondés: «Nous ne pouvons pas juger le contenu des événements privés», explique Jimmy Laforge, porte-parole.

Les organisateurs restent silencieux eux aussi. En revanche, leurs partisans s'expriment sur les réseaux sociaux pour prendre la défense des prédicateurs "inoffensifs" et nier le caractère extrémiste de leurs propos. Un autre cite un passage de la Bible où l'on demande aux femmes d'être «vêtues de manière décente, avec pudeur et modestie».

Toute cette polémique suscite de fait un débat dans la communauté. «Les musulmans sont moins musulmans pour certains fondamentalistes et trop musulmans pour certains islamophobes, déplore l'animateur et journaliste Lamine Foura. Nous sommes pris en otage dans une guerre entre deux extrémismes.»