Bien qu'elle ne s'y oppose pas formellement, la Ville de Montréal émet de sérieuses réserves sur le projet d'inversion du pipeline Enbridge, citant notamment le bilan de l'entreprise en matière de sécurité.

Dans une lettre de 28 pages rendue publique sur le site de l'Office national de l'énergie (ONE) en fin de journée jeudi, la municipalité demande à l'organisme fédéral d'imposer une série d'exigences à Enbridge avant de l'autoriser à acheminer du pétrole albertain vers les raffineries du Québec.

La Ville craint tout particulièrement l'impact d'un déversement sur ses sources d'eau. L'oléoduc 9B traverse la rivière des Outaouais, en amont de la métropole, et une fuite pourrait compromettre l'approvisionnement en eau de 2 millions de personnes.

Le mémoire cite également des données de l'Institut Polaris selon lesquelles Enbridge est responsable de 804 déversements en Amérique du Nord, entre 1999 et 2010. Aux États-Unis, l'entreprise a été vertement critiquée par le gouvernement américain après un déversement dans la rivière Kalamazoo, au Michigan.

«En raison notamment des conséquences et des délais d'intervention de l'entreprise, il devient légitime de soulever des questions sur l'état de sa préparation réelle en cas de fuite, de déversement ou autre incident reconnu comme sinistre», indique-t-on.

Enbridge a promis jeudi de travailler avec la Ville de Montréal pour apaiser ses craintes. La société souligne que la très vaste majorité des déversements dans ses installations sont mineurs, moins de 10 barils de brut, et se nettoient aisément. «Nous prenons des mesures de sécurité spéciales autour des zones sensibles pour nous assurer de l'intégrité de la ligne et de son opération sécuritaire, a indiqué le porte-parole d'Enbridge, Graham White. Nous disposons de ressources et d'une expertise considérables pour répondre à des incidents de toute taille.»

Mais en entrevue, la présidente du comité exécutif, Josée Duplessis, note que même si Enbridge exploite son oléoduc entre Montréal et Sarnia depuis 37 ans, elle n'a jamais partagé ses plans d'urgence avec les autorités municipales.

La Ville ne prend pas pour autant position contre le projet. Elle souligne que sa réalisation permettra aux deux raffineries québécoises - celle de Suncor, à Montréal-Est, et celle d'Ultramar, à Lévis - de s'approvisionner à un coût largement inférieur.