Seringues abandonnées, possession d'arme, violence verbale, voies de fait: le calme ne règne pas toujours à la Grande Bibliothèque, révèle un récent rapport statistique de la sécurité dans l'établissement de la rue Berri. Une situation qui cause bien des maux de tête aux employés, selon le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ).

Obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le rapport couvre l'année budgétaire 2011-2012. Au cours de cette période, pas moins de 257 seringues ont été ramassées à l'extérieur de l'édifice. Lors du passage de La Presse, cette semaine, il a été facile de trouver des seringues utilisées dans le jardin extérieur, un endroit fréquenté le jour par des écoliers.

Fait troublant, on trouve trois cas de possession d'arme. «Les occurrences suivantes ont été rapportées: un agent de sécurité a trouvé un fusil à plomb dans le jardin attenant à la Grande Bibliothèque, un usager a été intercepté puis relâché comme il transportait des couteaux de cuisine et, à l'extérieur de l'édifice, un agent a demandé à un homme tenant une seringue de quitter les lieux», a décrit Claire-Hélène Lengellé, responsable des médias, dans un courriel.

Le rapport fait état de 78 cas de violence verbale, de 39 situations de menace et d'intimidation, de 14 voies de fait et de 9 cas de harcèlement ou d'attouchement. «Nos agents rapportent les cas où des usagers haussent le ton et profèrent des insultes à connotation sexiste, raciale, etc. On indique systématiquement à ces personnes de quitter les lieux. La maladie mentale ou l'intoxication étaient des facteurs dans plusieurs de ces cas», explique Mme Lengellé.

Seringues souillées

À la Grande Bibliothèque, on connaît la problématique des seringues souillées. Pour remédier à la situation, l'institution a installé des «bacs à déchets biomédicaux dans cinq salles de toilettes de l'édifice», dit Mme Lengellé.

Ces déchets sont ensuite ramassés par l'organisme CACTUS. «Les gens vont s'injecter dans les toilettes, constate Roxane Beauchemin, directrice des services cliniques à CACTUS. Il y a aussi des itinérants qui vont à la Grande Bibliothèque pour avoir un répit de la rue et ils utilisent les services à bon escient. C'est un exemple de belle cohabitation d'une institution avec son milieu», a-t-elle poursuivi.

Toutefois, il semble que les injections se déroulent surtout le soir, a confié un sans-abri désirant garder l'anonymat pour éviter les représailles de ses pairs.

«Je viens ici le matin porter mes bagages dans un casier. Je reviens le soir pour me reposer avant la fermeture. Je vois ces gens se cacher, souvent dans les petits arbres, pour se faire une injection», a-t-il dit, indiquant avoir déjà fait une demande d'emploi à la Grande Bibliothèque, en vain.

Favoriser la cohabitation

Or, les menaces et intimidations inquiètent les employés. «Il y a des employés qui ont peur. Il y a des usagers qui vont à la Grande Bibliothèque sous l'effet de la drogue et dont l'hygiène est discutable, explique Jean-François Sylvestre, président régional du SFPQ. Les employés ne savent souvent pas comment réagir.»

«Il y a eu des cas où les employés recevaient des menaces, par exemple, sur Facebook. Nous avons demandé à l'employeur d'enlever le nom des employés sur la carte d'identité afin de garder uniquement la photo pour éviter toute reconnaissance», a-t-il raconté.

Un employé, qui souhaite garder l'anonymat, explique qu'il arrive souvent que les discussions «s'enflamment» aux comptoirs des services avec la clientèle. «Il est souvent déjà trop tard quand les employés font intervenir la sécurité. Bien sûr, il y a des caméras, mais elles fonctionnent en rotation. Si l'usager est chanceux, il ne sera pas filmé», fait-il remarquer.

«Il y a même des endroits où certains employés n'osent pas aller. Par exemple, le secteur des bandes dessinées pour adultes. Le lieu est plus retiré et il a été rapporté qu'il y avait des échanges d'argent et de drogues», a-t-il dit. La Grande Bibliothèque confirme qu'il y a eu certains incidents dans le passé.