Les firmes de génie citées devant la commission Charbonneau ont réclamé au ministère des Transports du Québec (MTQ) plus de 50 millions de dollars en suppléments depuis 2008, révèlent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La liste des contrats accordés par le MTQ démontre que, du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2012, les firmes de génie ont obtenu 172 «extras», ce qui a fait gonfler du tiers le coût des contrats - qui avaient une valeur totale de 141 millions de dollars.

Certains suppléments sont beaucoup plus importants que d'autres. Dix d'entre eux ont fait plus que doubler la valeur des contrats signés.

Les données obtenues par La Presse indiquent aussi que la plupart de ces suppléments ont été réclamés par des consortiums. Ces alliances temporaires entre les firmes de génie ont généré 32 des 51 millions payés en sus par rapport à ce que prévoyaient les contrats initiaux.

L'«extra» le plus important accordé depuis 2008 revient d'ailleurs à un consortium. En 2011, les firmes SNC-Lavalin, Cima+ et Dessau ont touché 4,5 millions de plus que les 15 millions initialement prévus à leur mandat pour assurer la surveillance des structures de l'échangeur Turcot, à Montréal.

Signe des temps, les frais supplémentaires ont sensiblement diminué depuis la mise en place de l'escouade Marteau et de l'Unité anticollusion. De 2008 à 2010, les données du MTQ indiquent que les suppléments payés représentaient 50% de la valeur des contrats initiaux. En 2011, les extras ont diminué à 30%, puis à 26% en 2012. Ces chiffres pourraient toutefois être revus à la hausse, puisqu'il faut compter en moyenne de deux à trois ans entre l'adjudication d'un contrat et l'autorisation de frais supplémentaires.

Rappelons que les dirigeants de cinq firmes de génie - Dessau, BPR, SNC-Lavalin, Genivar et Génius - ont admis devant la commission Charbonneau qu'ils avaient participé à un système de partage des contrats à la Ville de Montréal. Ils ont précisé que toutes les firmes présentes dans la métropole y ont pris part.

Si les mêmes firmes décrochent la majeure partie des contrats au MTQ, leurs dirigeants ont réfuté toute malversation. Pour en avoir le coeur net, le gouvernement a donné en mars à la firme KPMG le mandat d'analyser l'ensemble des suppléments autorisés pour tenter de déterminer combien ont pu être accordés de manière frauduleuse.

Le MTQ se défend

Le MTQ affirme qu'il suit un processus rigoureux avant d'autoriser tout versement supplémentaire, explique la porte-parole Sarah Bensadoun. L'autorisation du sous-ministre adjoint ou du directeur général est ainsi requise pour les petits contrats (de moins de 100 000$) ou des suppléments de moins de 10%, dans le cas des contrats plus importants. En ce qui concerne les contrats entraînant d'importants suppléments de coûts, le sous-ministre est appelé à donner le feu vert.

Plusieurs causes peuvent justifier le paiement d'un supplément, explique-t-on au MTQ. «Toute modification au concept initial implique une révision des plans et devis pour tenir compte de nouvelles contraintes non connues au départ. Par ailleurs, des modifications peuvent devenir nécessaires en cours d'exécution des travaux, à la suite de la découverte d'une problématique non prévisible au moment de la conception et occasionnant un changement dans certains des ouvrages à réaliser sur le chantier.»

Le prolongement d'un chantier peut aussi hausser la facture. Impossible en effet d'abandonner la surveillance si les travaux ne sont pas terminés, «ce qui entraîne nécessairement un dépassement des honoraires de surveillance prévus sur la base des délais initialement estimés pour la construction».

- Avec William Leclerc