Après plus de quatre heures de débat tendu, sous les cris et les bruits de manifestants réunis devant et dans l'hôtel de ville, les élus de Montréal ont tranché: le fameux règlement P-6 restera tel quel.

À 22h mardi, la motion proposée par Projet Montréal a été rejetée à 34 voix contre 25. Le résultat a semé la consternation dans l'assistance qui suivait les travaux du conseil dans le hall de l'hôtel de ville. Une vingtaine de manifestants ont brièvement bloqué la porte d'entrée de la salle du conseil.

«C'est une opportunité manquée, estime Julien Villeneuve, l'enseignant sous la mascotte Anarchopanda. Beaucoup d'élus comprennent encore mal le règlement.»

Adopté en 2001, le règlement P-6 a surtout suscité la controverse depuis mai 2012 lorsqu'on lui a ajouté trois articles. Ceux-ci obligent les manifestants à fournir leur itinéraire, interdisent le port du masque et font grimper l'amende minimale de 100 à 500$. Les élus étaient appelés à se prononcer sur une motion qui demande l'abolition de ces modifications introduites il y a 11 mois.

Les deux partis de l'opposition, qui regroupent 24 élus sur 63, avaient annoncé qu'ils voteraient en faveur de cette abolition. Plusieurs élus de Vision Montréal, le parti de Louise Harel, ont cependant brisé la ligne de parti.

Le débat, entamé vers 16h mardi, a suscité de vifs échanges entre les conseillers montréalais. C'est l'auteur de la motion, Alex Norris, de Projet Montréal, qui a lancé le bal en rappelant que les «centaines d'arrestations de masse» qui ont eu lieu en 2013, «c'est plus que durant toute la Crise d'octobre». Il a dit souhaiter rallier une majorité de conseillers pour «mettre fin à cette situation d'arrestations de masse qui heurte les notions les plus fondamentales de justice naturelle».

Relation «brisée»

Son chef, Richard Bergeron, a renchéri en se disant d'entrée de jeu «en faveur de la paix sociale». Il a plaidé pour le retour à la mouture originale du règlement P-6, «qui était déjà drôlement complet». La nouvelle version, elle, «a brisé la relation de confiance entre policiers et manifestants qui donnaient leur itinéraire auparavant.»

François Limoges, également de Projet Montréal, a eu droit aux applaudissements les plus chaleureux de la foule réunie dans le hall de l'hôtel de ville. Il a notamment dénoncé le fait qu'«on laisse aux policiers le droit de dire à qui on laisse des droits fondamentaux et à qui on les dénie. De plus en plus, on veut laisser les droits fondamentaux à ceux qui font des manifestations de divertissement».

Deux contraventions

Ceux qui ont plaidé pour le maintien du règlement P-6 ont notamment rappelé que le Service de police de la Ville de Montréal le jugeait utile pour le maintien de l'ordre et la sécurité publique.

«Ce n'est pas nuire à la démocratie que de donner un itinéraire», a déclaré Anie Samson, mairesse indépendante de l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.

La conseillère Élaine Ayotte, de Vision Montréal, a été la première à briser officiellement la ligne de son parti et à se prononcer en faveur du maintien du règlement.

Une trentaine de militants ont assisté au conseil municipal, retransmis dans le hall de l'hôtel de ville. Certains étaient masqués, et plusieurs affichaient un carré rouge. Le hall était particulièrement bruyant, les discours de plusieurs élus étant hués par les militants.

Deux personnes munies de tambours et de trompettes ont reçu un constat d'infraction de 437$ pour «bruits audibles», alors qu'elles se trouvaient à l'extérieur.