La vendetta ratée contre le chef de police Marc Parent révélée hier par La Presse a provoqué une nouvelle crise à l'hôtel de ville de Montréal.

Pendant que le maire plaidait l'ignorance et que les partis de l'opposition montréalais se faisaient timides, les protestations se multipliaient, allant même jusqu'à réclamer la tête du directeur général à l'origine de la controverse.

Le principal intéressé, le directeur général Guy Hébert, s'est manifesté par téléphone hier matin afin de tenter de calmer le jeu. Un rendez-vous avec le maire Michael Applebaum a été fixé pour lundi matin. M. Hébert est actuellement en vacances. «Il faut qu'on en discute», s'est borné à dire l'attaché de presse du maire, Jonathan Abecassis.

Le maire Applebaum a soutenu qu'il ignorait tout des démarches de son directeur général pour évincer le chef de police et qu'il avait découvert cette histoire en lisant La Presse. Il a néanmoins réitéré sa confiance en M. Hébert ainsi qu'en Marc Parent.

«Je ne suis pas au courant, mais je sais que M. Hébert a un rôle à jouer pour assurer que tout son personnel, incluant Marc Parent, fait son travail. [...] Dans une structure, vous avez des personnes qui ont des pouvoirs et qui ont différentes façons de fonctionner. Je vais parler avec Guy Hébert, mais c'est quelqu'un d'opérationnel qui est capable d'assurer le bon fonctionnement de la Ville de Montréal», a-t-il expliqué tôt hier matin lors du Forum stratégique sur la métropole et ses grands projets.

M. Applebaum réagissait alors aux révélations de La Presse concernant une épreuve de force majeure entre le directeur général de la Ville de Montréal et M. Parent, dont le service a dans sa ligne de mire des dossiers litigieux impliquant Guy Hébert. Furieux, ce dernier a demandé l'automne dernier au sous-ministre de la Sécurité publique d'obtenir le pouvoir de congédier le chef de police. Québec a rejeté la demande.

Devant ce bras de fer, la réaction la plus virulente est venue du président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francoeur, qui s'est indigné de «cette tentative d'ingérence». «C'est dégueulasse!», a tonné M. Francoeur lors d'une conférence de presse convoquée tôt en matinée.

«Heureusement, les manoeuvres et la politicaillerie pour congédier M. Parent et le remplacer par quelqu'un de complaisant sont un échec. De toute évidence, dans les circonstances, Guy Hébert n'est plus apte à occuper son poste», a martelé le chef syndical.

Ce dernier a dit croire difficilement que cela puisse être une «initiative personnelle» du directeur général lorsqu'on lui a demandé si le maire Michael Applebaum avait toujours sa confiance. Pressé de questions, M. Francoeur a dit que la possibilité qu'Hébert ait eu l'appui d'autres personnes est effectivement «matière à enquête».

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a refusé de s'associer à la demande de congédiement de Guy Hébert, en réduisant la situation à une «crisette» et une «bataille de coqs». Quant à la chef de l'opposition officielle, Louise Harel, elle a annoncé son intention de présenter une motion d'urgence lors de l'assemblée du conseil municipal de lundi pour réitérer «sa totale confiance au chef du SPVM». «La situation qui sévit en ce moment en haut lieu de l'administration publique est très préoccupante et il est clair que cela envoie un message négatif aux Montréalais quant à l'efficacité de leur administration et la confiance qu'ils doivent avoir envers celle-ci», a indiqué Mme Harel par voie de communiqué.

Embarras à Québec

À Québec, la situation à Montréal a plongé les ministres concernés dans l'embarras. Le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, n'a pas voulu faire de commentaire alors qu'il est concerné au premier plan dans ce dossier. Du côté de Jean-François Lisée, ministre responsable de la Métropole, on s'est également tenu coi.

Seul le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, a commenté du bout des lèvres l'affrontement qui sévit dans les coulisses de l'administration de la Ville de Montréal. M. Gaudreault a fermé la porte à l'envoi à Montréal d'un représentant pour veiller à la bonne marche de l'administration, comme il l'avait fait, l'automne dernier, pour Laval. «On n'est pas là, il n'est pas question de ça», a-t-il laissé tomber, en ajoutant qu'il n'était «pas du tout question» d'une tutelle pour la métropole.

Le ministre Gaudreault ne veut pas prendre position quand on lui demande si le directeur général de la Ville devrait avoir le droit de limoger le chef de police: «On va laisser la Ville de Montréal gérer cette question-là à l'interne. Comme pour le reste des dossiers, on suit la chose très étroitement.» «Une bonne entente entre les principaux acteurs de la Ville est préférable», a-t-il ajouté, en soulignant que jamais ce litige n'avait été porté à sa connaissance.

La tentative de putsch contre Marc Parent a fait réagir l'ex-chef de police de Montréal Jacques Duchesneau, aujourd'hui député de la Coalition avenir Québec. «Je suis solidaire avec ceux qui combattent le crime en tant qu'ex-chef de police. C'est d'une tristesse à en pleurer, ce qui se passe à Montréal. Il va falloir que ça arrête», a-t-il dit.

«Étonnement» et «agacement» aussi de la part d'un des maires des villes défusionnées de Montréal, qui ont leur mot à dire sur le choix du chef de police. Philippe Roy, maire de Mont-Royal, rappelle que le chef de police est responsable de la sécurité de l'agglomération, et pas seulement de Montréal. «Nous n'avons que de bons mots pour Marc Parent, il fait un travail impeccable. Ce n'est pas à Guy Hébert de décider!», dit-il.

Avec la collaboration de Denis Lessard